Carnac ou l'énigme de l'Atlantide
à l’entrée du
golfe du Morbihan ou dans ses environs immédiats. L’embouchure de la rivière d’Auray,
à l’intérieur même du golfe, serait évidemment l’endroit idéal si l’on s’en
tient à la situation actuelle du terrain : mais, à l’époque de César, le
golfe était avant tout un marécage, et le niveau des eaux n’aurait pas permis à
une flotte, qu’elle soit vénète ou romaine, de manœuvrer avec aisance en dehors
du chenal constitué par la rivière d’Auray. Stratégiquement et géologiquement, il
vaut mieux choisir le goulet qui se trouve entre Port-Navalo et Kerpenhir, ou
mieux, le grand large, le long des côtes rocheuses qui vont de l’entrée du
golfe à la pointe du Grand-Mont, à Saint-Gildas-de-Rhuys. Cela n’empêchait
nullement les navires vénètes de sortir du port de Locmariaquer – qui était le
grand port des Vénètes – et de se présenter immédiatement devant les navires
romains arrivant par le sud en longeant la côte. On sait également que le
fameux tumulus de Tumiac, en Arzon, parfois nommé « Butte de César »,
a très bien pu servir d’observatoire au proconsul pour surveiller les
péripéties de la bataille navale. César avait dû se frayer un chemin terrestre,
depuis la Grande Brière à travers le bas pays vénète, jusqu’à la presqu’île de
Rhuys qu’il devait considérer comme l’endroit idéal pour masser ses troupes, face
au cœur du pays vénète, face surtout à Locmariaquer qui était le port principal
et la capitale de ce peuple.
La flotte romaine venait évidemment de la Grande Brière. Elle
avait dû d’abord descendre la Loire, dans laquelle se jetaient les eaux de la
Brière, contourner la pointe du Croisic, longer les côtes en évitant de passer
trop près de Houat et d’Hoedic qui devaient être des postes de surveillance des
Vénètes, et parvenir enfin au large d’Arzon. La flotte vénète, elle, n’avait qu’à
sortir de son abri de Locmariaquer pour se trouver, quelques minutes plus tard,
au-delà du goulet, en plein large, prête à affronter les ennemis.
Ainsi donc en présence, les deux flottes s’observent un long
moment. Brutus, le fils adoptif de César, futur conjuré des Ides de mars, qui
commande la flotte romaine, ne sait trop ce qu’il doit faire. Il sait que ses
éperons sont impuissants pour fracasser les navires vénètes. Les Vénètes, qui
sont juchés sur les poupes plus élevées de leurs navires, sont en position
dominante : ils font pleuvoir un déluge de flèches sur les Romains.
C’est alors que les avis des historiens et des témoins
diffèrent. César (III, 14) laisse entendre qu’il avait donné ordre aux Romains
de préparer de longues perches munies de faux. Les Romains s’en servirent pour
couper les cordes qui retenaient les voiles des navires vénètes. Les Vénètes se
trouvaient donc dans l’incapacité de bouger, car ils ne naviguaient qu’à la
voile, tandis que les Romains utilisaient des rames. Chose bizarre, Strabon (IV,
4), qui relate pourtant le stratagème des perches munies de faux, déclare que
les Vénètes avaient l’habitude de fixer leurs voiles non pas avec des cordes, mais
avec des chaînes de fer. On ne voit pas comment des faux, si acérées
fussent-elles, eussent pu couper ces chaînes en fer. Strabon semble mélanger
ses informations. César ment incontestablement. Tout s’éclaire grâce à Dion
Cassius (XXXIX, 40-43) qui suit ici un passage perdu de Tite-Live. Dion Cassius
raconte en effet que Brutus fut attaqué par les Vénètes alors qu’il était au
mouillage, et qu’il ne dut son salut et sa victoire finale qu’au plus grand des
hasards : le vent tomba brusquement et les navires ennemis furent arrêtés
dans leur offensive et, par la suite, dans leur fuite, alors que les navires
romains munis de rames n’avaient nul besoin de vent.
Quoi qu’il en soit, c’est la catastrophe pour les Vénètes. Et
comme les chefs se trouvaient sur les navires immobilisés, ce fut bientôt la
reddition de toute l’élite du peuple. César réagit très brutalement : il
fait mettre à mort les sénateurs (III, 16) et fait vendre le reste à l’encan. On
n’entend plus parler des Vénètes pendant les années suivantes.
César savait probablement ce qu’il faisait en éliminant
ainsi ce peuple des Vénètes. Certes, ils avaient osé le défier et mettre en
péril son système de colonisation dans les Gaules. Certes, ils étaient actifs
et virulents.
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