Carnac ou l'énigme de l'Atlantide
Vénètes possèdent en quelque sorte
une hégémonie maritime sur toute la Gaule.
Les Vénètes, eux, sont des marins.
Ce qui complique le problème, c’est qu’il y a des Vénètes
ailleurs, et que ce sont, par hasard, d’habiles navigateurs : tels sont
les Vénitiens, c’est-à-dire les Vénètes de l’Adriatique dont parle l’historien
grec Polybe : « Cette nation ancienne ne se distingue guère des
autres peuplades gauloises par les mœurs et le costume, mais parle une langue
différente » (II, 17). Mais Strabon est plus affirmatif encore :
« Je serais assez porté à croire que les Vénètes de l’Adriatique sont une
colonie des Vénètes de l’océan » (IV, 4). Curieuse réflexion : Strabon,
qui se fait l’écho de traditions dont il a eu connaissance au cours de ses
enquêtes, fait la part des choses. Et pour un Grec imbu de la supériorité de
tout ce qui est grec et romain, prétendre que ce sont des gens d’extrême
Occident qui ont établi une colonie aux portes de l’Orient, c’est assez rare
pour qu’on puisse le signaler et y insister. Est-ce que tout ne viendrait pas
forcément de la Méditerranée orientale ?
Le problème de la langue, mis en avant par Polybe, pose plus
de questions qu’il n’y paraît. Si les Vénètes de l’Adriatique sont des Celtes, ils
devraient parler une langue celtique : à travers tout le territoire occupé
par les Celtes, avant notre ère, on constate une unité absolue de langue, de
culture et de religion. Seule est absente l’unité politique, mais c’est une des
caractéristiques de la société celtique. Alors, dans ce cas, quelle langue
parlaient les Vénètes de l’Adriatique ? Il est impossible de le dire. On
peut seulement remarquer que les Vénètes de l’océan, encore à l’heure actuelle,
parlent un dialecte breton différent de ceux des autres Bretons. Il y a aussi l’hypothèse
que les Vénètes de l’Adriatique pouvaient parler une langue gaélique (comme les
Irlandais) alors que les autres peuples gaulois parlaient la langue brittonique :
on sait que le gaulois est effectivement une langue brittonique.
Mais cette présence d’éléments gaéliques ne se justifie absolument pas dans le
fond de l’Adriatique pas plus que dans le golfe du Morbihan. Il faut peut-être
envisager une solution : les Vénètes de l’Adriatique sont une colonie des
Vénètes de l’océan, mais ils se sont séparés depuis très longtemps. Les uns ont
adopté la langue celtique, le gaulois en l’occurrence, les autres, une langue
inconnue, ou bien ils ont conservé leur propre langue. On sait aussi que
dans un cadre nettement italien, les Vénitiens contemporains se distinguent
malgré tout, au point de vue linguistique, par des variantes dialectales assez
considérables.
Ce qui est curieux, c’est de constater néanmoins un genre de
vie analogue pour les Vénètes de l’océan et ceux de l’Adriatique. Ce sont
des marins. Les Vénitiens l’ont largement prouvé au cours du Moyen Âge et
de la Renaissance. Ils ont été les maîtres du commerce, non seulement dans l’Adriatique,
mais également dans toute la Méditerranée, et parfois ailleurs. C’est peut-être
une coïncidence, mais il faut avouer qu’elle n’est pas sans intérêt.
De plus, les Vénètes de l’Adriatique vivent sur l’eau : ils se sont établis dans des marécages, et ils se sont servis de la nature
particulière du terrain pour en tirer parti au maximum, à la fois pour abriter
leurs navires en les cachant dans leurs canaux, et pour se protéger eux-mêmes
de toutes les attaques qui auraient pu venir du continent. Or, c’est ce qu’ont
fait les Vénètes de l’océan si l’on en croit César et les auteurs de l’Antiquité :
ils possédaient des forteresses inexpugnables, parce qu’on ne pouvait pas les
aborder à pied, ni les investir par bateaux. Les Vénètes de l’océan, grands
marins et grands commerçants, se sont établis dans des régions marécageuses, à
proximité du grand large, tout en se protégeant contre les attaques venues du
continent et contre les tempêtes du grand large. Là aussi, c’est peut-être une
coïncidence, mais elle est particulièrement intéressante.
Il y a mieux : ce commerce maritime très riche, cette
pratique des canaux, ce mélange de la terre et de la mer, n’est-ce pas une
analogie avec ce qui se passait dans l’Atlantide décrite par Platon ? Les
Vénètes, qu’ils soient de l’Adriatique ou de
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