Carnac ou l'énigme de l'Atlantide
sacrifices
qui s’y seraient déroulés. Il est vrai que dans ce même Burren, à trois kilomètres
de Cahermore (« la Grande Forteresse »), un autre dolmen, relativement
bien conservé lui aussi, celui de Gleninsheen, est parfois appelé l’Autel des
Druides. Le rapport étroit entre les mégalithes et la religion des Celtes est
constamment repris par la tradition populaire. Et puisque les mégalithes sont
antérieurs d’au moins deux mille ans aux Celtes, il faut bien admettre qu’il
existe quand même une relation entre la civilisation mégalithique et celle que
les Celtes conquérants sont venus instaurer à l’extrême Occident de l’Europe. Le
tout est de savoir dans quelles conditions, et à partir de quels critères s’est
faite cette assimilation ou cette identification.
En tout cas, si, en France, de nombreux monuments sont dus à
Gargantua, image folklorique d’une ancienne divinité gauloise gigantesque (analogue
à l’Héraklès grec), si dans l’ouest de la Grande-Bretagne, de nombreux dolmens
sont des tombeaux d’Arthur ou de Merlin, les mégalithes irlandais sont la
plupart du temps dédiés à des personnages bien connus de la mythologie gaélique.
Les « lits de Diarmaid et Grainné », allusion à une célèbre légende
qui est le prototype de l’histoire de Tristan et Yseult, ne manquent pas, non
plus que les « forteresses d’Oengus », le Mac Oc, fils du grand dieu
Dagda. Il semble d’ailleurs que la mythologie gaélique d’Irlande soit
totalement inséparable des mégalithes qui parsèment la terre de l’Île Verte, celle
qu’on dit aussi être l’Île des Saints. Mais les Saints et les Héros de l’Antiquité
païenne ne sont-ils pas les deux aspects de personnages uniques ?
Il y a cependant en Irlande des monuments qui attirent
particulièrement l’attention : ce sont les tertres de la Vallée de la
Boyne et ceux qui se trouvent immédiatement aux alentours de cette vallée qui
porte le nom de l’une des plus puissantes déesses du panthéon irlandais, Boann,
ou encore Bo-Vinda , la « Vache Blanche », divinité
féminine des eaux et de la fécondité qui se retrouve curieusement dans la
légende arthurienne sous les traits et le nom de Viviane,
celle qui enserre Merlin dans un château d’air invisible en pleine forêt
de Brocéliande.
C’est d’abord le site de Tara, au centre mythique et
symbolique de l’Irlande. Tara a été la capitale de l’Irlande païenne, ou plutôt
le siège d’une royauté suprême à vrai dire beaucoup plus morale que réelle. Mais
cette royauté ayant un caractère sacré, l’importance du site met en évidence la
permanence des traditions qui remontent à la plus lointaine Préhistoire, probablement
bien avant l’arrivée des constructeurs de mégalithes. Tara est comparable à
Delphes : c’est une sorte de nombril du monde à l’usage de cette île
perdue en plein Atlantique et qui parvient difficilement à s’intégrer à la vie
continentale tout en ayant sur celle-ci une influence considérable qui s’est
souvent révélée essentielle pendant le haut Moyen Âge.
Ici, c’est le comté de Midhe (en anglais Meath). C’est le « milieu »
(sens du mot gaélique Midhe) théorique de l’Irlande, avec en son centre
même la colline de Tara, acropole royale, ancien sanctuaire d’une déesse-mère, la
même que celle dont on retrouve l’image gravée dans les tertres. Tous les trois
ans, les peuples gaëls se réunissaient à Tara en des fêtes somptueuses qui ne
faisaient que reprendre une tradition beaucoup plus ancienne. On y élisait le
roi suprême, l’ard-ri, qui ne possédait qu’un pouvoir nominal mais qui n’en
était pas moins le chef sacré de tous les peuples de l’île. Et le rituel qui
présidait à son élection procédait autant de la magie que de la religion. À
Tara se trouvait en effet une pierre sacrée, la Pierre de Tara, et cette pierre
criait lorsqu’un futur roi d’Irlande s’asseyait sur elle. On n’a pas manqué de
faire un rapprochement entre ce rituel d’intronisation royale et le Siège
périlleux de la légende christianisée du Saint-Graal. On dit que cette pierre, la lia Fail, est celle qui se dresse sur la colline de Tara, plus exactement
sur un monticule appelé Cormac House. Cette pierre est évidemment un menhir.
Le site de Tara est assez désolé, et l’on n’y voit plus guère
que des vestiges mégalithiques. Le Rath na Riogh (« forteresse
royale ») est une
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