Carnac ou l'énigme de l'Atlantide
sur le peuple-fée qui réside à l’intérieur des
grands tertres mégalidiiques. Dagda accueille fort bien son fils, mais il
déclare que la terre qu’il lui réserve n’est pas actuellement vacante : il
s’agit du tertre de Brugh-na-Boyne qui est tenu par Elcmar. Mider se fâche et
réclame justice pour Oengus, et Dagda finit par échafauder avec Mider un plan
quelque peu machiavélique pour déposséder Elcmar du tertre sans attenter à sa
vie. Le prochain soir de Samain, c’est-à-dire lorsque le sidh sera
ouvert et donc sans défense, Oengus, qu’Elcmar ne connaît pas, devra se
présenter et provoquer celui-ci en le menaçant de mort s’il ne lui accorde pas
la souveraineté de son domaine pendant un jour et une nuit. Et ensuite, Oengus
ne devra pas rendre le tertre à Elcmar avant d’avoir demandé l’arbitrage de
Dagda.
Tout se déroule comme prévu. Ayant refusé de rendre
Brugh-na-Boyne à Elcmar, le Mac Oc fait appeler Dagda pour qu’il rende son jugement.
Dagda déclare alors que, pendant la fête de Samain, l’expression « un
jour et une nuit » possède un sens intemporel et équivaut symboliquement à
l’éternité. Par conséquent, Elcmar ne peut nier qu’il a donné la souveraineté
du tertre de Brugh-na-Boyne à Oengus pour l’éternité. Elcmar est dépossédé
légalement de son domaine, mais pour le consoler, Dagda lui offre la
souveraineté d’un autre tertre, le sidh de Cletech. Et Oengus s’installe
donc à Brugh-na-Boyne dont il est le légitime propriétaire. C’est là que, plus
tard, recevant son père adoptif Mider, il se voit obligé par celui-ci d’aller
demander en mariage la belle Étaine, fille du roi d’Irlande, dont Mider est
amoureux. Oengus accomplit sa difficile mission (le roi d’Irlande se méfie du
peuple des tertres et exige d’énormes compensations) et ramène Étaine à New-Grange
où elle épouse Mider. C’est toujours là, par la suite, qu’Oengus recueillera
Étaine, transformée en papillon par la magie de la première femme de Mider, car Oengus
est officiellement le garant de la sécurité d’Étaine aux yeux de tous les Gaëls
d’Irlande comme aux yeux de tous les peuples des tertres. Le passage vaut la
peine d’être cité : « Pendant sept ans, l’insecte ne trouva ni sommet,
ni arbre, ni colline, ni hauteur en Irlande pour se poser, mais seulement les
rochers et les vagues de la mer. Et elle erra dans les airs jusqu’à ce que sept
années se fussent écoulées. Alors elle tomba sur une frange du manteau du Mac
Oc, comme il se trouvait sur le tertre de la Brug. Oengus la mit sur sa
poitrine, dans le pli de son manteau. Il l’emmena à sa demeure et à sa chambre
de soleil qui avait de brillantes fenêtres… Il y plaça des ornements de
pourpre… Le Mac Oc prit l’habitude de dormir dans la chambre de soleil chaque
nuit auprès d’elle et il la réconforta jusqu’à ce que sa joie et ses couleurs
fussent revenues. Puis il remplit la chambre de soleil d’herbes vertes et
belles, et l’insecte prospéra sur les fleurs de ces bonnes et précieuses herbes. » [29]
Voilà donc cette chambre de soleil qui apparaît dans
plusieurs textes celtiques ou d’origine celtique, notamment dans le célèbre
texte de la Folie Tristan et dans le récit irlandais des Aventures d’Art
fils de Conn. Il s’agit d’une variante du Château de Verre, ou de l’île de
Verre – qu’on a longtemps identifié avec Glastonbury, en Grande-Bretagne, en
vertu d’une fausse étymologie – qui est l’Autre Monde séparé par des remparts
invisibles du monde des hommes. C’est la fameuse cité de Gorre du Lancelot de
Chrétien de Troyes, où Méléagant a enfermé la reine Guenièvre. C’est également
le Château d’Air invisible où l’enchanteur Merlin s’est laissé consciemment
enfermer par la fée Viviane, autre visage d’Eithné-Boann-Brigit. De toute
évidence, il y a ici le souvenir d’antiques rituels de régénération par la
chaleur et la lumière du soleil, rituels qui devaient s’accompagner de
véritables traitements thérapeutiques.
Car ce qui est le plus surprenant, avec cette chambre de
soleil où Oengus régénère l’insecte Étaine à l’intérieur du palais de
Brugh-na-Boyne, c’est que cette chambre de soleil existe réellement dans
le tertre de New-Grange : le matin du solstice d’hiver, c’est une
constatation scientifique, les rayons du soleil viennent frapper le bassin
funéraire qui se trouve au fond
Weitere Kostenlose Bücher