Carnac ou l'énigme de l'Atlantide
entièrement
récupérée par le Christianisme, devenant la Toussaint, célébration de la
Communion des Saints, vivants et morts, fête qui, on le sait, est
particulièrement suivie dans tous les pays où la tradition celtique demeure
sous-jacente.
Un récit illustre parfaitement cette notion. Il s’agit de l’épisode
final (le manuscrit se termine sur une lacune) d’une épopée du cycle de
Leinster consacrée aux Enfances de Finn. Le jeune héros, Finn mal Cumail,
après une enfance mouvementée, a acquis son initiation par les armes et par la
magie. Il a en effet obtenu certains pouvoirs surnaturels, comme tout bon héros
qui se respecte. Il lui arrive alors une étrange aventure. Chaque soir de Samain, au sidh de Bri Ele (probablement l’un des tertres de la vallée
de la Boyne), les hommes d’Irlande viennent courtiser une très belle fille du
nom d’Ele (qui donne son nom au tertre), « car les tertres d’Irlande
étaient toujours ouverts à Samain et alors rien n’était caché de ce qui
était dans les tertres ». Or, chaque année, l’un des soupirants était tué
sans qu’on sache jamais qui était le meurtrier. Précisément, en cette nuit de Samain, l’un des soupirants, le poète Oircbel, est tué, et Finn décide de le venger.
Il va demander conseil à Fiacail, fils de Conchen, le mari de sa tante
paternelle. Fiacail lui dit d’aller s’asseoir entre les deux Mamelons d’Anu, c’est-à-dire
entre deux tertres peuplés de fées [27] . Comme
c’est la nuit de Samain, les tertres s’ouvrent : Finn est témoin d’un
dialogue et d’un échange de nourriture entre les habitants des deux tertres. Puis
il jette la lance que lui a confiée Fiacail, et la lance atteint la colline de
Marghé où se trouve le sidh Ele. Fiacail rejoint alors Finn et tous deux
entendent une grande lamentation dans le tertre, car la lance jetée par Finn a
tué le responsable des meurtres, un amoureux de la fille, qui tuait chaque
année, par jalousie, un des prétendants venus de l’extérieur. De plus, Finn, pour
récupérer la lance, se saisit d’une des femmes du tertre et ne consent à la
libérer qu’en échange de la lance.
Par la suite, Finn surprend trois femmes en train de se
lamenter sur le tertre de la colline de Slanga. Quand elles l’aperçoivent, elles
disparaissent dans le tertre, mais pas assez vite, car Finn, qui prend goût à
ce genre d’aventure, en attrape une par la broche de son vêtement et arrache
cette broche. « Alors la femme alla après lui et le supplia de
lui rendre la broche de son manteau. Elle dit qu’il n’était pas convenable pour
elle de rentrer dans le tertre avec une telle marque de déshonneur, et elle lui
promit une récompense. [28] »
Comme le manuscrit s’interrompt sur cette phrase, nous ne saurons jamais ce que
promet la femme-fée. Mais on peut supposer qu’il s’agit de pouvoirs magiques et
que Finn les obtient en redonnant la broche à la femme du tertre.
Il y a donc possibilité de communication entre les deux
mondes, même si cette communication s’établit parfois dans des conditions
difficiles et avec une nuance évidente d’hostilité. D’après d’autres récits sur
ce thème, on s’aperçoit que les habitants des tertres viennent souvent dans le
monde des vivants pour régler certaines affaires personnelles, se venger d’affronts
subis autrefois, ou tout simplement essayer de désorganiser la société des Fils
de Mile, leurs vainqueurs. Il semble bien que les « fantômes » ne
soient pas loin.
Mais l’Autre Monde, le royaume souterrain des Tertres, est
assez semblable au monde de la surface. Il n’en est même pas le reflet, il en
est le parallèle : une fois franchi le fameux couloir qui mène à la
chambre funéraire, on débouche – symboliquement – dans des plaines, des vallées,
des montagnes avec des lacs, des forêts, tous éléments du paysage de la surface.
Et l’on y vit apparemment de la même façon. Le récit très étrange des Aventures
de Néra apporte beaucoup de précisions sur ce point.
Le héros, le jeune Néra, est un affidé de la reine Mebdh et
du roi Ailill de Connaught qui résident dans leur palais de Cruachan, sur la
colline du même nom (aujourd’hui Croghan). Or, un soir de Samain, le roi
Ailill demande à Néra d’aller chercher quelque chose dans la « maison des
supplices », probablement le local où étaient emprisonnés les ennemis capturés.
Néra se trouve entraîné dans une
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