Carnac ou l'énigme de l'Atlantide
fantastique aventure. Dans
la maison des supplices, un pendu – par les pieds – lui demande de l’eau pour
boire. Il lui donne de l’eau et finit, sur la demande du supplicié, par l’emporter
sur son dos. C’est ainsi qu’il débouche à l’intérieur du sidh de
Cruachan, dans l’univers souterrain qui se situe immédiatement au-dessous du
palais de la reine Mebdh, dans un tertre mégalithique. En fait, Néra ne fait
pas la différence entre les deux mondes. Ce n’est que longtemps après qu’il
finit par comprendre en quel lieu il se trouve. On lui donne une femme et une
vache. Il fait paître sa vache, s’occupe de sa femme et de sa maison, et il lui
naît même un fils. Un jour, le roi du sidh lui dit de remonter à la
surface et de prévenir Ailill et Mebdh que les habitants du tertre vont
attaquer les humains qui résident à Cruachan. Néra revient et retrouve la
compagnie qu’il avait laissée autour d’Ailill comme s’il ne s’était écoulé que
quelques instants entre le moment de son départ et celui de son arrivée. Il
prévient les siens du danger qui les menace. Ailill et Mebdh décident alors une
expédition préventive contre le sidh. Ce qui est fait. Tout est saccagé
dans le tertre, et tous les trésors qui s’y trouvaient accumulés sont ramenés. Seuls
la femme et le fils de Néra sont épargnés, ainsi que ses propres biens. Néra
retourne alors dans le sidh, et comme le dit le texte, « il s’y
trouve encore ».
L’histoire est exemplaire. Sur un plan rationnel, elle nous
montre comment les Gaëls imaginaient l’intérieur des Tertres, surtout pour
aller y rafler tous les trésors qui s’y trouvaient enfouis. Sur le plan
mythologique, elle illustre parfaitement la croyance – qui persiste encore dans
certains milieux ruraux, aussi bien en Irlande qu’en Bretagne – que les
monuments mégalithiques sont les demeures de peuples féeriques possédant de
grandes richesses et vivant une vie parallèle tout en étant totalement
différente : à l’intérieur du sidh, le temps n’est pas le même, ou
plutôt, le temps, tel qu’on le conçoit sur la surface de la terre, n’existe pas.
Ainsi se dessine le thème du dormeur qui se
réveille après une bonne nuit de sommeil alors qu’il s’est écoulé plusieurs
siècles. Ce thème constitue la trame de très nombreux contes populaires et se
retrouve dans des épopées mythologiques.
Une autre histoire, très connue, celle d’Étaine, nous
entraîne également dans les profondeurs d’un tertre célèbre, celui de
Brugh-na-Boyne, autrement dit de New-Grange. Et nous y retrouvons le personnage
de Gargantua sous sa figuration irlandaise de Dagda. Ce Dagda, dont un autre
nom est Éochaid Ollathir, est amoureux d’Eithné, autre nom de Boyne (Boann) et
de Brigit (déesse de la poésie et des techniques, équivalent de la Minerve
gallo-romaine dont parle César), qui est l’épouse d’Elcmar, chef du palais de
la Brugh, donc le tertre de New-Grange, et accessoirement la propre fille de
Dagda. Les adultères et les incestes sont fréquents dans les récits mythologiques,
mais il faut bien entendu les prendre dans un sens très symbolique. Dagda s’arrange
pour éloigner Elcmar pendant l’espace d’une journée, et il peut ainsi
satisfaire sa passion pour Eithné. Mais cette journée est symbolique, car
Eithné a le temps de donner naissance à un fils, Oengus, le Mac Oc (= Jeune
Fils), qui, pour éviter tout ennui avec Elcmar, sera confié à Mider, roi du sidh de Bri-Leith, un autre tertre mégalithique. Ce Mider, divinité du monde
souterrain, pourrait bien être le même que celui qui est représenté sur un
bas-relief gallo-romain du musée de Strasbourg avec la dédicace deo Medru.
Oengus, le « Jeune Fils », est donc élevé par
Mider selon la coutume très particulière aux Irlandais du fosterage : c’est-à-dire
qu’il acquiert autant de droits dans sa famille adoptive que dans sa famille
naturelle. Une fois parvenu à l’âge adulte, il apprend qu’il est le fils de
Dagda et d’Eithné, femme d’Elcmar de la Brug. Il demande à son père adoptif de
le conduire à son père réel. Mider l’emmène donc chez Dadga et dit à celui-ci :
« Il désire se faire reconnaître par son père pour qu’une terre lui soit
donnée, car il n’est pas juste que ton fils soit sans terre, alors que toi, tu
es roi des tertres d’Irlande ». On remarquera au passage la suprématie
attribuée à Dagda-Gargantua
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