Carnac ou l'énigme de l'Atlantide
s’impose alors : un sanctuaire comme Stonehenge ou Carnac. Si on élimine l’or, l’argent et tout métal, si on élimine les fioritures, il
reste l’essentiel : une statue gigantesque du dieu, au centre, et tout
autour, d’innombrables statues, dont certaines ont été offertes par des particuliers.
Ces statues, toujours si l’on élimine la broderie, ne seraient-elles pas tout
simplement des piliers, plus ou moins dégrossis (nous n’en sommes même pas au
Néolithique) qui ressemblent davantage à des menhirs qu’à des chefs-d’œuvre de
l’art grec classique ? Toute cette description, une fois débarrassée du
superflu, fait incontestablement penser à ces grands ensembles mégalithiques
présents en Irlande, en Grande-Bretagne et en France, particulièrement
Stonehenge et Carnac. Le tout est de préciser les choses : il ne s’agit
pas de prétendre que le temple de l’Atlantide était sur le modèle de Stonehenge
ou de Carnac ; il s’agit de supposer que Stonehenge et Carnac peuvent, dans
une certaine mesure, avoir été bâtis sur le modèle de ce qui pouvait exister
autrefois dans l’île Atlantide disparue.
Tout le reste de la description enthousiaste de Critias est
de même facture. Dans les bois sacrés, il y a des sources froides et chaudes, qui
sont canalisées et qui dispensent leurs eaux pour tous les besoins de la cité, alimentent
les bains du roi, ceux des citoyens, et ailleurs, ceux des femmes et d’autres
encore pour les chevaux. Ces eaux ruisselantes deviennent de véritables fleuves
qui aboutissent aux bassins du triple port, remplis de trirèmes prêtes à l’appareillage,
regorgeant d’embarcations et de vaisseaux marchands venus de toutes les parties
du monde, et protégés par une vaste enceinte du côté de la mer. On est encore
obligé de songer à la ville d’Is qui était, elle aussi, protégée de la mer par
une digue monumentale. Cette légende d’Is ne serait-elle pas une réminiscence
de l’Atlantide ?
La somptuosité de l’Atlantide décrite ainsi par Platon, d’après
une tradition rapportée par Solon, a provoqué bien des commentaires et aussi
bien des délires. Le philosophe Rudolf Steiner, qui pourtant ne manque pas d’intuitions
étonnantes, et qui fait très souvent preuve d’une grande sagesse, est allé
jusqu’à écrire, en 1918, qu’à l’époque de l’Atlantide, « les plantes n’étaient
pas seulement cultivées pour être utilisées
comme nourriture, mais aussi pour faire servir l’énergie qui sommeillait en
elles, aux transports et à l’industrie. Ainsi les Atlantes possédaient des
installations qui transformaient l’énergie nucléaire recelée par les semences
végétales en énergie techniquement utilisable. C’est ainsi qu’étaient propulsés
à faible altitude les véhicules volants des Atlantes ». Après tout, pourquoi
les Atlantes n’auraient-ils pas eu leur propre énergie ? Le malheur, c’est
qu’il n’y a rien de tout cela dans le texte de Platon à qui on prête
souvent tous les fantasmes des ésotéristes des temps modernes. Un simple bon
sens peut faire justice de ces élucubrations : s’il y avait réellement, dans
le triple port de l’île Atlantide, des vaisseaux venus du monde entier, les
techniques particulières des Atlantes auraient été sinon partagées, du moins
connues, des autres peuples, et il s’en serait fatalement conservé le souvenir.
De deux choses l’une : ou l’Atlantide n’a jamais existé, et Platon est un
fabricant de mythes ; ou bien l’Atlantide était un pays comme les autres, peut-être
un peu plus riche à cause de la grande activité maritime de ses habitants, et
intégré à la phase finale du Mésolithique. Quant à la « sagesse atlantéenne »,
elle paraît bien commune : si les Atlantes étaient des sages, philosophes
et savants en tous genres, pourquoi avaient-ils mis tant de soin à se
construire des fortifications cyclopéennes et à protéger les navires par de
véritables tunnels ?
Cependant Critias, insatiable sur les détails, continue à
faire une description de l’île : « On dit que le sol était fort élevé
au-dessus du niveau de la mer et les bords de l’île coupés à pic. Tout autour
de la ville s’étendait une plaine environnée de montagnes qui se prolongeaient
jusqu’à la mer ». Cette plaine produit en abondance tout ce qu’on désire. Elle
donne même deux moissons par an, « parce qu’elle était arrosée l’hiver
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