Carnac ou l'énigme de l'Atlantide
par
les pluies de Zeus, l’été par l’eau des tranchées » que les Atlantes
avaient creusées pour assurer l’irrigation de leurs terres. Tout cela ressemble
une fois de plus aux descriptions de l’île Merveilleuse, ou encore
de Mag-Mell, la plaine des Fées de la tradition irlandaise, avec cependant une
volonté rationalisante, puisqu’il y est question d’irrigation.
Bien entendu, selon le texte de Platon, la vie politique et
sociale est à l’image de l’environnement : « Chacun des dix rois, dans
la province qui lui était départie, et dans la ville où il résidait, avait tout
pouvoir sur les hommes et sur la plupart des lois, infligeant les peines et la
mort au gré de sa volonté. Quant au gouvernement général et aux rapports des
rois entre eux, les ordres de Poséidon étaient leur règle. Ces ordres leur
avaient été transmis dans la loi souveraine : les premiers d’entre eux l’avaient
gravée sur une colonne d’orichalque élevée au milieu de l’île, dans le temple
de Poséidon. Les dix rois se réunissaient successivement la cinquième et la
sixième année, en alternant les nombres pairs et impairs. Dans ces assemblées, ils
discutaient les intérêts publics, ils recherchaient si quelque infraction à la
loi avait été commise, ils portaient des jugements. »
Assurément, il s’agit là d’un système théocratique : c’est
le dieu primordial, fondateur, qui règne par ses descendants interposés, et qui
est le garant suprême de la loi. Du reste, avant de prononcer leurs jugements, les
dix rois accomplissaient des rites compliqués au cours desquels il y avait des
sacrifices de taureaux, des prières collectives et des serments solennels :
« Les ombres venues et le feu du sacrifice consumé, après avoir revêtu de
belles robes azurées, après s’être assis à terre auprès des derniers vestiges
du sacrifice, la nuit, lorsque le feu était éteint partout dans le temple, ils
rendaient leurs jugements et les subissaient, si quelqu’un d’entre eux était
accusé d’avoir violé les lois. Après avoir rendu leurs jugements, ils les inscrivaient,
au retour de la lumière, sur une table d’or et la suspendaient avec les robes
aux murs du temple, comme des souvenirs et des avertissements. »
Ici, l’incohérence apparaît flagrante : d’une part, il
y a une civilisation raffinée, des richesses incroyables, des techniques
de construction qui semblent fantastiques pour l’époque, et, selon certains
exégètes, des énergies inconnues, et d’autre part, les rois s’installent sur le
sol, près des bûchers sacrificiels, pour accomplir des rituels qui paraissent
plutôt primitifs. En fait, le culte pratiqué par les Atlantes est un culte
barbare peu conforme avec le raffinement grec qui transparaît dans le reste de
la description. Ce culte semble beaucoup plus proche de ce que nous connaissons
des rituels préhistoriques, tels ceux des peuples mégalithiques, que des liturgies
compliquées des Grecs.
Mais Platon sait exactement où il veut en venir :
« Telle était la puissance, la formidable puissance qui était autrefois
établie dans cette contrée, et que la divinité, selon la tradition, tourna
contre notre pays pour le motif que voici. Pendant plusieurs générations, tant
qu’il y eut en eux quelque chose de la nature du dieu dont ils étaient issus, les
habitants de l’Atlantide obéirent aux lois qu’ils avaient reçues et honorèrent
le principe divin qui faisait leur parenté. Leurs pensées étaient conformes à
la vérité et en tout point généreuses. Ils se montraient pleins de modération
et de sagesse dans toutes les éventualités, comme aussi dans leurs mutuels
rapports. C’est pourquoi, regardant avec mépris tout ce qui n’est pas la vertu,
ils faisaient bien peu de cas des biens présents et portaient tout
naturellement comme un fardeau et l’or et les richesses et les avantages de la
fortune. »
Là, il y a de quoi rire. Ceux qui regorgent d’or, de
richesses diverses, de nourritures et de boissons abondantes sont ceux qui
parlent le mieux de la vertu et du mépris des biens de ce monde. Comment se
fait-il que les moralistes soient toujours ceux à qui la question de survivre
ne se pose jamais ? De plus, ce peuple des Atlantes, dont on nous dit qu’ils
habitent un pays merveilleux où il y a deux récoltes par an, vers où convergent
tous les navires du monde, aurait ainsi vécu dans le mépris des richesses,
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