Cathares
bon. En contournant l’hôtel, Le Bihan jeta un rapide coup d’oeil sur le jardin hérissé d’herbes folles et de vieux débris de seaux, de meubles rongés par la pourriture et de bidons vides. Ensuite, son regard se porta tout naturellement sur la paroi rocheuse qui dominait la bâtisse. L’historien avait pris quelques notes dans un guide touristique emprunté à la bibliothèque du collège afin de préparer un peu son voyage. Il sortit de sa poche un petit papier et commença à lire :
La cité d’Ussat-les-Bains est renommée pour ses grottes. La plus célèbre d’entre elles est sans conteste la grotte de Lombrives. Celle-ci s’enfonce dans un massif de calcaire blanc-grisâtre relativement solide. La roche évoque un haut rempart au pied duquel coule l’Ariège. Au fil du temps, de nombreux éboulements ont façonné le relief particulier du lieu. La grotte de Lombrives est dotée d’une large entrée parsemée de gros blocs minéraux et de petits débris rocheux. La grotte a été occupée depuis la préhistoire et certains ont même voulu y voir un lieu de culte secret des Cathares.
Les derniers mots suffisaient à éveiller la curiosité de Le Bihan. Il s’imagina un court instant que la pauvre Philippa était passée par là avant de tomber entre les griffes de ses ennemis. Il n’était pas encore bien tard et l’historien se dit qu’il avait envie d’aller inspecter de ses propres yeux le fameux antre de Lombrives. Le chemin qui menait à l’entrée avait été défriché et il était parfois emprunté par le guide local qui accompagnait les touristes désireux de pénétrer dans le coeur du massif de roches. À force de n’obtenir aucune réponse aux questions qu’il se posait, Le Bihan jugea n’avoir besoin de personne pour entreprendre la visite. Fort de cette résolution, il ne lui fallut que quelques minutes pour parvenir à l’assise minérale qui débouchait sur l’entrée.
Le paysage ne manquait pas de majesté et Le Bihan contempla la paroi rocheuse qui lui faisait face. Il remarqua que les grottes situées de l’autre côté de la rivière paraissaient répondre avec exactitude à Lombrives. C’était un peu comme si les millénaires avaient tranché le massif montagneux et séparé en deux entités distinctes une grotte qui n’en était qu’une à l’origine. L’historien allait s’engager dans ce grand vestibule minéral quand il s’aperçut qu’il n’avait pas prévu d’emporter une lampe torche. Il se rappela alors avoir vu une affiche qui vantait les mérites des installations électriques de la grotte. Il se dit qu’il ne lui restait plus qu’à trouver l’interrupteur pour y voir clair. Ensuite, tout alla très vite. Trop vite pour qu’il puisse comprendre ce qui lui arrivait. Il y eut d’abord le bruit d’une pierre – puissant et sourd – qui rebondissait contre la paroi de calcaire et tombait droit sur lui. Puis, il sentit un choc violent dans le dos et enfin son menton qui alla buter contre un gros caillou aux contours acérés. Sa première réaction fut de sentir le bas de son visage et de constater qu’il saignait abondamment. Ce ne fut qu’ensuite qu’il se retourna pour découvrir le visage de son sauveur.
— Quand on vous dit de ne pas visiter cet endroit sans guide ! fut la première réaction de l’homme dont il ignorait encore qu’il s’appelait Léon.
Le Bihan crut reconnaître le bonhomme. Il l’avait déjà vu en ville avec des touristes auxquels il faisait découvrir la région. Immanquablement muni d’un haut bâton de bois, portant un béret vissé sur le crâne, l’homme paraissait incapable de parler. Il criait tout le temps, comme s’il craignait de ne pas être entendu à l’autre bout de la vallée. C’est sur ce ton qu’il continua à faire la leçon à l’étranger.
— On a beau vous expliquer que c’te roche calcaire est friable, les Parisiens n’en font qu’à leur tête ! Comme toujours !
— Rouennais ! se hasarda à rectifier Le Bihan en tenant toujours son menton sanguinolent.
— Pardon ?
— Je ne suis pas parisien, je viens de Rouen.
— Cela n’a pas d’importance, lâcha Léon en balayant l’argument d’un revers de main ne tolérant aucune contestation. Vous, les étrangers, vous croyez tout savoir mieux que tout le monde. Il faut la connaître, c’te montagne, avant de s’y précipiter tête baissée, comme une chèvre dans la gueule du loup !
Entre-temps, Le
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