Ce jour-là
lorsque nous nous sommes retrouvés près de la rampe.
« Hé, mon vieux, détends-toi. »
Je voulais simplement qu’il n’oublie pas ce que je lui avais dit.
« C’est vert, allez ! »
Le responsable de saut montra la rampe.
Mes coéquipiers sautèrent un par un. Au fur et à mesure que nous nous approchions de la rampe, je distinguais mieux le ciel d’un bleu cristallin, qui rencontrait l’eau à l’horizon. Je donnai deux tapes sur l’épaule de mon passager et lui criai dans l’oreille : « EN POSITION ! »
C’était le signal convenu. Je voulais que ses pieds dépassent du bord de la rampe pour éviter qu’il se cogne au moment de sauter.
L’homme se pétrifia. Je sentais ses pieds qui tentaient de s’incruster dans la rampe. Je lui tapais à nouveau sur l’épaule.
« EN POSITION ! »
Il ne bougea toujours pas.
Nous n’avions pas le temps d’attendre. Je le poussai et nous avons sauté.
Le parachute de freinage jaillit de mon dos. Cette petite voile, en binôme, permet à la fois de se stabiliser et de contrôler sa vitesse pendant la chute libre. J’ai suivi la procédure et déclenché l’ouverture de la voile principale exactement comme dans mes centaines de sauts précédents.
Le grondement de l’avion disparut d’un coup et tout devint parfaitement calme. Les seuls bruits étaient les claquements de la voile dans le vent.
Le spectacle était splendide. La fraîcheur de l’air délicieuse après la chaleur de la cabine du C-17. Ciel et eau étaient du même bleu transparent et il n’y avait que quelques légers rubans de nuages blancs là-haut. En dessous, un tourbillon de parachutes tournait autour des deux bateaux gris qui flottaient comme des bouchons sur l’océan.
Le ballet de mes camarades qui tournoyaient pour éviter d’entrechoquer leurs parachutes rappelait les combats de la Seconde Guerre mondiale.
La mer était calme, les vagues minuscules. Non loin de là, l’USS Boxer nous attendait. Au moment de toucher, je tirai sur mes suspentes et m’enfonçai dans l’eau tiède. Je dégrafai le harnais de mon binôme et me débarrassai du mien.
Nous n’étions qu’à une vingtaine de mètres du premier bateau. J’enfilai les palmes que j’avais attachées aux jambes pour sauter, et nageai vers le spécialiste en communication. Derrière moi, le parachute coulait, entraîné par le poids du parachute de secours. Dans son gilet de sauvetage, mon binôme pataugeait vers l’échelle du bateau.
« Alors, vieux, comment tu as trouvé ?
— C’était dingue », répondit-il.
Pour la première fois depuis l’ouverture de la rampe, il souriait.
Je grimpai à bord du HSAC et trouvai une place vers l’avant en attendant qu’on nous compte. Ces bateaux étaient conçus pour douze passagers, ce fut bientôt la cohue à bord. Je me mis à l’avant, les pieds dans l’eau. Je laissais le courant jouer avec mes palmes.
« Hé, mec, me dit un de mes coéquipiers en venant s’installer à côté de moi. T’as pas vu de requins, par hasard ?
— Non. » Je savais que les eaux en étaient infestées par ici, mais je n’avais rien remarqué.
« Hé bien, figure-toi qu’en approchant il m’a bien semblé voir une ombre gigantesque là-dessous. »
Je rapprochai mes palmes de la coque.
Pendant que nous étions dans l’avion, le capitaine Phillips avait tenté d’échapper à ses ravisseurs et la tension était montée d’un cran. Il avait réussi à se jeter à l’eau, mais il avait été repêché de force. Les pirates lui avaient attaché les mains et avaient balancé un téléphone et un walkie-talkie américains dans l’eau, s’imaginant que Phillips avait reçu des ordres du destroyer.
Leur bateau, à ce moment-là, n’avait plus de carburant et dérivait. Le commandant Frank Castellano, capitaine de l’USS Bainbridge, persuada les pirates de se laisser remorquer et d’accepter qu’on leur apporte de la nourriture et de l’eau avec un bateau gonflable. Au cours d’une navette, le quatrième pirate, Abduhl Wal-i-Musi, demanda qu’on s’occupe d’une blessure qu’il avait à la main. Il fut transféré sur l’USS Bainbridge pour être soigné. Il s’était coupé quand Phillips avait tenté de s’évader.
Une fois sur l’USS Boxer , le samedi, nous avons envoyé une petite équipe sur l’USS Bainbridge. On mit en réserve le reste de l’escadron. Si le bateau de sauvetage décidait d’accoster, nous serions forcés
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