Ce jour-là
petites amies, des ex-femmes, des parents et des frères et sœurs, qui tous auraient aimé nous voir plus souvent. Nous nous efforcions d’être de bons pères et de bons maris, mais après plusieurs années de guerre il était difficile d’être présents – même quand nous étions à la maison.
Nous vivions au rythme des bulletins d’information, guettant la prochaine affaire « Capitaine Phillips ». Nous nous donnions à fond pendant les entraînements. Nous étions trop occupés, entre les déploiements, les entraînements et s’arranger pour que tout roule à la maison, pour penser à autre chose.
Nos familles comprenaient notre mode de vie. On était absents entre huit et dix mois par an et elles passaient toujours en dernier.
Elles voulaient qu’on rentre.
Entiers de préférence.
Elles savaient très peu de chose de notre travail. Elles n’ont jamais connu la satisfaction de se dire que le monde était un peu moins dangereux après chaque taliban ou membre d’Al-Qaïda que nous abattions. Ou qu’au moins la vie était un peu plus facile pour les soldats qui patrouillaient le long des routes afghanes. Les familles restaient à la maison à s’inquiéter.
Les familles vivaient dans la peur que deux hommes en uniforme d’apparat sonnent à la porte pour leur annoncer que nous ne reviendrions plus jamais à la maison. La communauté des SEAL a perdu beaucoup d’hommes sensationnels, et le DEVGRU en a perdu plus que sa part aussi. Ces sacrifices n’ont pas été consentis pour rien. Les leçons apprises ont servi, et les actes héroïques de nos frères d’armes n’ont pas été vains. Nous connaissions les risques, sur le terrain et pendant les entraînements. Nous avions appris à vivre avec, et nous acceptions pleinement les sacrifices à consentir pour bien faire notre boulot. Mais, parfois, un membre de nos familles avait un peu de mal à l’accepter, comme mon père par exemple.
Juste avant que je termine mes études secondaires en Alaska, j’ai dit à mes parents que je voulais m’engager. Cela ne leur a pas tellement plu. Ma mère ne m’avait jamais laissé jouer avec des petits soldats genre GI Joe ou des jouets militaires quand j’étais enfant, elle les trouvait trop violents. Je plaisante encore avec elle en lui disant que si elle m’avait laissé jouer avec, cela me serait sorti de la tête et que je n’aurais peut-être pas rejoint la Navy.
J’avais donc appelé les services de recrutement pour me renseigner. Mes parents ont tout d’abord cru que ça me passerait. Mais ils ont vite compris à quel point ma volonté de m’engager dans la Navy était sérieuse.
Mon père m’a fait asseoir pour me parler de mes projets et des études que je pourrais suivre à l’université.
« Je ne veux pas que tu deviennes militaire », finit-il par me dire.
Il n’était absolument pas pacifiste, mais il avait grandi pendant la guerre du Vietnam et en connaissait les séquelles. Beaucoup de ses amis avaient été appelés et n’étaient pas revenus. Il ne voulait pas que son fils fasse la guerre. Mais ce n’est pas l’inquiétude que j’ai entendue dans sa voix, ni son angoisse à l’idée que son seul fils veuille ainsi s’exposer. Tout ce que j’entendais, c’est qu’il était en train de me dicter ma conduite.
« Si, je vais y aller, dis-je. C’est ça que je veux faire. »
Mon père n’élevait jamais la voix ; il essaya de me raisonner.
« Ecoute-moi, me dit-il. Pour une fois, tu peux bien prendre en compte un conseil que je te donne, non ? Fais une année d’université. Si cela ne te plaît pas, je ne t’obligerai pas à continuer. »
Mon père savait qu’en ayant grandi dans un patelin perdu de l’Alaska, je ne connaissais presque rien du monde. Il faisait le pari que s’il parvenait à me faire aller à l’université, je serais en contact avec tant de choses nouvelles que je renoncerais à mon rêve de devenir un SEAL.
« D’accord, papa. Un an. »
Mon dossier fut accepté dans une petite université de Californie du Sud.
Cette année se transforma en quatre, et avec mon diplôme d’études supérieures, j’envisageai d’entrer dans la Navy comme officier. À l’université, je m’étais lié d’amitié avec un ancien SEAL qui avait repris ses études supérieures, et qui m’a déconseillé de le faire. Il m’a expliqué que je pourrais toujours devenir officier plus tard, mais en m’engageant comme simple soldat, je
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