Ce jour-là
travaille. L’autre femme, les yeux gonflés à cause des larmes, garde un air sévère pendant que Will répète ses questions en arabe.
« Comment s’appelle-t-il ?
— Le cheik.
— Le cheik qui ? » demande Will, prenant soin de ne poser que des questions ouvertes.
Après qu’elle lui a donné plusieurs faux noms, il va voir les enfants sur le balcon. Ils sont assis le long du mur, silencieux. Will s’agenouille devant eux et interroge une fillette de neuf ans. « Qui est cet homme ? »
La fillette n’a pas appris à mentir.
« Oussama Ben Laden. »
Will sourit. « Tu es bien sûre que c’est Oussama Ben Laden ?
— Oui.
— D’accord. Merci. »
De retour dans le couloir, il prend l’une des épouses par le bras et la secoue.
« Arrêtez de me chercher, maintenant. Qui est l’homme dans cette chambre ? »
Elle se met à pleurer. Plus terrifiée qu’autre chose, elle a perdu toute envie de résister.
« Oussama, dit-elle.
— Oussama qui ? insista Will sans la lâcher.
— Oussama Ben Laden. »
Will la conduit sur le balcon avec les enfants et revient dans la chambre.
« Double confirmation, dit-il. Confirmation par la petite, confirmation par la femme. Les deux disent la même chose. »
Will s’en va et Jay arrive avec Tom. Il voit le corps et se met à côté.
« Will a reçu la confirmation par une femme et une gosse que c’est bien OBL », explique Tom.
Agenouillé près de la tête, j’écarte sa barbe à droite et à gauche pour que Jay voie bien les deux profils. Je place ma fiche SSE à côté du visage pour que Jay puisse comparer le vrai Ben Laden avec les photos de la CIA.
« Ouais, on dirait bien que c’est lui », dit Jay.
Il quitte aussitôt la pièce pour transmettre l’information. Nous retournons à notre job. Dehors, Jay entre en contact radio par satellite avec l’amiral McRaven, resté à Jalalabad. C’est l’amiral qui relate la progression de la mission au président Obama et à ceux qui sont près de lui dans la situation room de la Maison-Blanche.
« Pour Dieu et le pays, Geronimo EKIA (14) ! »
Sur le réseau du commando, j’entends les types du premier étage. Ils ont besoin de renforts pour rassembler tous les documents. C’est à cet étage que Ben Laden a improvisé ses bureaux. Il y a ses ordinateurs et c’est de là qu’il diffusait ses vidéos.
Les pièces sont dans un état impeccable, parfaitement bien rangées. Tout est à sa place. Les CD, DVD et cartes mémoire sont soigneusement organisés. Les SEAL s’intéressent avant tout au matériel électronique : enregistreurs, cartes mémoire, clefs USB et ordinateurs. Pendant la préparation de la mission, la CIA nous avait dit quel genre d’appareil d’enregistrement Ben Laden devait utiliser et nous en avait montré un. Les SEAL qui fouillent cet étage en ont trouvé un exactement du même modèle. Je m’émerveille encore du travail fait par le service de renseignements. Quand Jen avait déclaré être certaine à cent pour cent de son analyse, j’aurais dû la croire.
Une fois les prélèvements d’ADN réalisés et les photos prises, Walt et un autre SEAL saisissent Ben Laden par les jambes pour le tirer hors de la pièce. Malgré l’agitation autour de moi, je me rappelle très bien les avoir regardés descendre l’escalier en tirant le corps.
Je suis resté dans la chambre pour rassembler tout ce qui serait utile aux renseignements. Rien de très intéressant dans le bureau. Je ramasse des papiers, peut-être des écrits religieux, et des cassettes audio que je jette dans un filet. Nous avons tous avec nous ces sacs en maille ultralégers qui ne prennent pratiquement pas de place. Une fouille rapide dans la minuscule salle de bains carrelée de vert me montre quelle n’a aucun intérêt. Je trouve de la teinture à cheveux, sans doute utilisée pour sa barbe. Pas étonnant qu’il ait eu l’air si jeune quand nous l’avons trouvé.
Sur le mur entre le bureau et la salle de bains, il y a une armoire en bois à deux portes, d’environ un mètre quatre-vingt de haut. Elle renferme des vêtements, notamment les tuniques longues, les pantalons larges et les gilets typiques de la région.
À ma stupéfaction, tout est minutieusement rangé. Comparée au reste de la maison, qui donne l’impression d’avoir été squattée par des pilleurs, son armoire aurait pu passer avec succès une inspection par un adjudant des marines. Tous les
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