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C'était de Gaulle, tome 3

C'était de Gaulle, tome 3

Titel: C'était de Gaulle, tome 3 Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Alain Peyrefitte
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critique, et vilipendent le conservatisme, les faux révolutionnaires et la répression policière, le Bulletin donne la recette du cocktail Molotov.

    Pompidou : « Qu'attend-on pour expulser Cohn-Bendit ? »
    15 heures. Les gauchistes ont expulsé un professeur d'anglais et ses étudiants d'un amphithéâtre pour y tenir une manifestation.
    Est-ce la goutte d'eau ?
    Le Premier ministre me fait demander d'agir avec une extrême fermeté. Il a dit à Domerg : « Qu'attend-on pour expulser Cohn-Bendit ? »
    Pelletier rappelle à Domerg qu'après l'occupation de la tour administrative par les « enragés » le 22 mars, Fouchet n'a accepté de procéder à une expulsion que si elle est précédée d'une exclusion de l'université, procédure lourde et lente. Elle est précisément en cours, mais n'aboutira que vers le 10 mai.
    Pelletier appelle Nanterre pour savoir où en est Grappin de la constitution des dossiers d'exclusion pour le conseil de discipline. Grappin n'est pas là. C'est l'assesseur, Beaujeu, qui répond. Il ignore tout d'une procédure d'exclusion. Ainsi, Grappin, qui sait que son conseil de faculté est hostile à toute mesure de ce type, n'aura pas osé prévenir son propre assesseur de la procédure qu'il était chargé de mettre en oeuvre. Et c'est un homme courageux... déporté par les Allemands à cause de son courage.
    Pelletier appelle le recteur Roche, et lui demande de porter plainte contre la publication de la recette du cocktail Molotov.
    16 heures 15 . Pelletier rend compte à Matignon. Jobert va actionner la place Beauvau et la place Vendôme sur la plainte de Roche, qui doit permettre de connaître officiellement les noms des responsables du Bulletin. Ce qui doit permettre une double action disciplinaire et pénale contre eux.
    16 heures 30. Roche fait savoir à Pelletier que la plainte est déposée entre les mains du procureur.
    Samedi 27 avril 1968.
    En fin d'après-midi, à Chambéry où je viens d'arriver pour un colloque sur la planification de l'enseignement supérieur, j'apprends avec stupeur par Pelletier qu'on s'apprête à libérer Cohn-Bendit arrêté ce matin près de son domicile sur la plainte de Kervenoaël et sur celle de Roche.
    Je rappelle aussitôt Joxe : « Mais comment pouvez-vous relâcher Cohn-Bendit maintenant que vous le tenez ? Ce Kervenoaël a osé faire ce que ni les autorités universitaires, ni la police, ni la justicen'ont osé depuis trois mois. La police judiciaire cuisine Cohn-Bendit toute la journée, et elle n'arrive pas à retenir des griefs sérieux contre lui ? C'est qu'elle ne veut pas les trouver. »
    Joxe le prend d'un peu haut : « Nous ne sommes pas dans une République bananière. Pour arrêter quelqu'un, il faut des preuves de sa culpabilité. Ce Kervenoaël prétend que Cohn-Bendit l'a menacé de mort, mais Cohn-Bendit le nie. Dans la bagarre où Kervenoaël a été blessé et volé de son portefeuille, Cohn-Bendit assure qu'il n'est intervenu que pour lui porter secours. Quant à la recette du cocktail Molotov qui figure sur une page d'un bulletin de son groupuscule, il dit avec un grand éclat de rire que c'est un canular.
    AP. — Mais le canular, c'est de raconter à la police qu'il n'a voulu faire qu'un canular ! Il a diffusé à des milliers d'exemplaires le moyen de mettre le feu à des véhicules, qui est couramment employé par ses amis du SDS allemand. D'après ce que m'ont dit mes policiers, cette recette est la bonne 10 ! Elle serait canularesque si elle proposait de mélanger de l'eau et de la farine, mais elle indique comment il faut mélanger de l'essence et du sable et même quelle est la longueur de la mèche. Ça n'a rien d'un canular. C'est un acte terroriste caractérisé. Et la Cour de sûreté de l'État n'est-elle pas faite pour poursuivre ce genre de délit ? Ça fait près de quatre mois, depuis le début de janvier, que je réclame son expulsion et chaque fois on trouve des prétextes pour ne pas le faire ! Mais est-ce qu'il faut s'entourer de tant de précautions pour expulser un étranger installé en France comme chef d'un mouvement révolutionnaire ? »
    Joxe met fin à l'entretien : « Écoutez, je viens d'avoir longuement Fouchet, et Pompidou lui-même qui partage mon sentiment. Pompidou vient de me le dire textuellement : "Nous ne pouvons pas nous donner le ridicule d'incarcérer un étudiant qui a fait un canular." »

    Découragé, je raccroche. Si j'appelle Fouchet, il va me dire qu'il s'en tient toujours

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