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C'était de Gaulle, tome 3

C'était de Gaulle, tome 3

Titel: C'était de Gaulle, tome 3 Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Alain Peyrefitte
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prétentions. Ils transforment le Quartier latin en Fort-Chabrol. Ils veulent en découdre. On ne les en empêchera plus.
    AP à Joxe : « Il est 23 heures. Vous pensez bien que, maintenant, ni les négociations dont vous avez chargé Sarda, ni les bons offices dont j'ai chargé Marangé ne peuvent plus aboutir.
    Joxe. — Le pire n'est pas toujours sûr ! Il ne faut pas désespérer. De toutes façons, Grimaud veut attendre que les gamins soient partis. Donc, il n'y a rien à changer au dispositif. Laissons encore une chance aux pourparlers. Ça ne change rien pour le nettoyage des barricades.
    AP. — Mais pourquoi faut-il attendre, pour réagir devant unebarricade en train de se construire, une offensive générale contre toutes les barricades 5 ?
    Joxe. — Ça, ce n'est pas votre affaire, c'est celle de Fouchet et de Grimaud. D'ailleurs, je vais me rendre place Beauvau, pour arrêter avec Fouchet le dispositif des opérations de police. Il vaut mieux que vous restiez ici. En tout cas, une chose est sûre, je n'ai pas fait tirer à Alger sur les pieds-noirs, je ne ferai pas tirer à Paris sur les étudiants. »
    C'est l'évidence. Mais nous le répétons tant, que les meneurs ne peuvent guère se sentir dissuadés de leur audace.
    Me voici coincé à la Chancellerie. Je n'aime pas beaucoup me trouver isolé, dans un ministère qui m'est étranger, pendant que son titulaire sera dans un troisième ministère qui n'est pas le sien. Mais je m'incline devant l'autorité du Premier ministre par intérim.

    Touraine : « Ordonne à ta police de se retirer »
    Après 1 heure du matin, pendant que nous attendons avec de moins en moins d'espoir un signe de Sarda ou de Marangé, nous entendons sur notre transistor que Cohn-Bendit confère avec le recteur. Or, le recteur avait bien fait savoir qu'il ne pouvait recevoir Cohn-Bendit, inculpé numéro 1 traduit devant la juridiction universitaire.
    J'appelle Roche : « Que se passe-t-il ? Les radios annoncent que vous discutez avec Cohn-Bendit.
    Le recteur. — C'est impossible, Monsieur le ministre.
    AP. — Vous n'avez pas en face de vous un rouquin à visage rond?
    Le recteur — En effet, Monsieur le ministre.
    AP. — Monsieur le recteur, ne vaudrait-il pas mieux que nous poursuivions cette conversation dans un autre bureau ?
    (Il me rappelle du bureau à côté.)
    Le recteur — C'est un affreux malentendu.
    AP. — Il ne faudrait pas faire apparaître Cohn-Bendit comme celui qui tient le sort de cette nuit entre ses mains, ni lui donner le bénéfice de la négociation. »
    Cocasse quiproquo : au lieu des délégations attendues des deux organismes, UNEF et SNESup, responsables de la manifestation, voilà trois professeurs et trois étudiants qui se déclarent eux-mêmes sans mandat.
    Le recteur m'apprend le nom des trois professeurs : Touraine, Bacquet, professeur d'anglais à la Sorbonne, Motchane, professeur de physique à la faculté des sciences.
    Justement, Touraine demande à me parler : « Au point où tu en es, il n'y a plus qu'une chose à faire. Ordonne à ta police de se retirer.
    AP. — Ce n'est pas ma police, c'est la police de la République. Sous aucun régime, un gouvernement ne capitulerait devant l'émeute, ou alors, il ne serait pas digne de gouverner.
    Touraine. — Alors, nous n'avons plus rien à nous dire, il va y avoir des dizaines de morts et tu en porteras la responsabilité.
    AP. — La police ne tirera pas. Mais si tu veux qu'elle ne riposte pas à coups de grenades lacrymogènes, recommande à tes amis de ne pas la bombarder de cocktails Molotov. »
    Ai-je bien fait d'être rassurant ? Le Général me désapprouverait sans doute : « Il faut garder un silence effrayant. »
    Le recteur reprend la ligne. « Monsieur le recteur, lui dis-je, Cohn-Bendit demande l'impossible, sachant bien que nous ne pouvons pas l'accepter, pour qu'aucune négociation n'aboutisse. Il ne vous reste donc plus qu'à raccompagner vos visiteurs. »
    Place Beauvau, Fouchet, Grimaud et Joxe se mettent d'accord pour que l'ordre de nettoyer les barricades soit donné à 2 heures du matin. « Secret absolu ! Il faut que l'effet de surprise soit complet », me recommande Joxe quand il revient à la Chancellerie. Grimaud, qui a inspecté les lieux vers minuit et demi, estime qu'il dispose d'un bon créneau vers 2 heures. Avant, il y aura encore trop de monde. Après, plus on laisserait les irréductibles organiser le réduit, plus le nettoyage serait difficile et

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