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C'était de Gaulle, tome 3

C'était de Gaulle, tome 3

Titel: C'était de Gaulle, tome 3 Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Alain Peyrefitte
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j'ai eu avec le recteur à l'issue de mon entretien avec le Général n'a pas été répercuté 7 .
    La Chevalerie m'appelle en fin de matinée : « Le Général a été l'objet d'une demande d'audience du recteur et des doyens, qui ont été chargés par le conseil de l'Université de Paris de se rendre en corps auprès de lui. Naturellement, le Général, qui sait dans quel esprit est effectuée cette démarche, ne recevra pas les doyens. En revanche, il s'entretiendra avec le recteur Roche en votre présence. Il vous recevra d'abord sans lui, puis il prolongera la conversation avec vous. Il vous attend à 18 heures. »
    Je ne peux qu'être reconnaissant au Général de l'élégance avec laquelle il me couvre.
    Avant de me rendre à l'Élysée, j'ai Joxe au téléphone. Cet après-midi, le Général a reçu successivement lui-même, Fouchet et Grimaud. Il me tient au courant :
    « Nous lui avons dit tous les trois que cette escalade est absurde et que la seule façon de l'arrêter, c'est de libérer les manifestants emprisonnés, de promettre une amnistie, de rouvrir la Sorbonne, de retirer les forces de police. »
    Le Général a été intraitable : « On ne capitule pas devant l'émeute ! On ne discute pas avec des émeutiers ! Si nous nous déculottons, il n'y a plus d'État ! Le pouvoir ne recule pas, ou il est perdu. »

    « Croyez-vous que la France profonde soit pour nous ? »
    Salon doré, samedi 11 mai 1968, 18 heures.
    À 18 heures précises, l'aide de camp me fait entrer. Le Général a les joues roses, comme lors de ses grandes contrariétés des dernières années : la démission des ministres MRP, la condamnation du général Salan à la simple détention, les résultats décevants du référendum institutionnel de 1962, le ballottage de 1965.
    GdG : « Alors, comment voyez-vous la situation ?
    AP. — Cette révolte se nourrit d'elle-même. Elle n'a pas d'autres buts que ceux qui sont nés de son déroulement : obtenir la réouverture de la Sorbonne, la libération des étudiants détenus, le retrait des forces de police. Les quelques milliers de manifestants de cette nuit n'ont que ces revendications-là. Ils sont soutenus par les riverains du Quartier latin, dont la sympathie leur était déjà acquise, ou qui ont été indignés par ce qu'ils appellent les "brutalités policières".
    GdG. — Que proposez-vous ?
    AP. — D'accepter les trois revendications des étudiants, mais simultanément d'exiger en contrepartie trois garanties : interdiction de toute nouvelle manifestation ; filtrage à l'entrée de la Sorbonne au profit des seuls étudiants ; maintien de quelques cars de police jusqu'à ce que la réouverture de la Sorbonne se soit effectuée sans incident et que le calme soit revenu.
    « Ainsi, nous ferons à la fois un geste d'humanité et de fermeté. Moins d'humanité, nous dresserions le public contre nous. Moins de fermeté, nous porterions un coup à l'autorité de l'État et ne pourrions plus colmater la brèche. Les dirigeants de la Fédération de l'Éducation nationale avaient accepté ce plan hier, mais les excités de l'UNEF et du SNESup l'ont refusé. Il n'y a plus rien à négocier. Ces dispositions raisonnables, il suffit de les annoncer publiquement et souverainement, et nous mettrons l'opinion de notre côté. Elle se sentira rassurée.
    « D'autant que l'opinion qui nous est défavorable est celle du Quartier latin, mais celle de la France profonde est pour nous. Elle le sera encore davantage quand elle verra ce soir les images des voitures brûlées.
    GdG. — Croyez-vous que la France profonde soit pour nous ?
    AP. — Il ne faut pas se laisser impressionner par le sondage fait pour France-Soir sur Paris. Je suis sûr que la France profonde ne partage pas ce sentiment. » (Je lui explique mes sondages quotidiens en Seine-et-Marne 8 .)
    Il a l'air intéressé mais dubitatif :
    GdG : « Vous croyez ?
    AP. — J'en suis certain. Ce combat devant l'opinion, nous devrions le gagner si nous annonçons clairement la couleur. »

    « Vous êtes le recteur de Paris... et vous le restez »
    Le recteur Roche est introduit à 18 heures 15. Il a l'air stupéfait en m'apercevant. On ne l'avait donc pas prévenu qu'il serait reçu en ma présence ? Il lui sera difficile de s'acquitter de la mission dont l'ont chargé les doyens. Ce deuxième quart d'heure est surréaliste.
    Le Général se lève, l'accueille courtoisement, le fait asseoir : « Vous êtes le recteur de Paris ?

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