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C'était de Gaulle, tome 3

C'était de Gaulle, tome 3

Titel: C'était de Gaulle, tome 3 Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Alain Peyrefitte
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à l'escalade, aux réflexes de solidarité entre les jeunes. Nous sommes dans l'irrationnel. Ce qui est le plus préoccupant, c'est le mélange détonant des comploteurs, des énervés et des moutons qui suivent aveuglément.
    Pompidou. — Je crois aussi que, actuellement, l'ouverture d'une information ne serait pas opportune.
    GdG. — On ne maintient pas l'ordre seulement avec des forces de l'ordre. » Mais il n'insiste pas.

    « Il est normal qu'il y ait des secousses »
    On en vient à examiner le projet de loi référendaire, sur lequel le Conseil d'État a émis un avis défavorable, dont on ne tient aucun compte.
    GdG : « Nous connaissons une secousse. Notre société est en mutation. Il est normal qu'il y ait des secousses. Ce qui n'était pas normal, c'est qu'il n'y en ait pas déjà eu de comparables. Il y en aura d'autres, beaucoup d'autres.
    « La vraie question est de savoir si la société va se réformer ou s'effondrer. Si elle s'effondre, ce serait pour tous un immense malheur.
    « Si elle s'engage franchement, carrément, dans la voie de la réforme, elle s'adaptera peu à peu à ses propres transformations. Le projet de loi est l'affirmation de ce fait. »
    Le Général reprend après un silence : « Une fois de plus, la société française se décompose, les élites s'effondrent, ceux qui devraient aider à tenir debout se couchent. Nous avons vu ça un autre mois de mai, il y a vingt-huit ans. Sous une forme ou sous une autre, ça réapparaît de temps en temps. Une proposition est faite à la nation. La nation dira si elle veut faire cette rénovation, et si c'est le régime actuel et son chef qui doivent la faire. »
    Le Général chausse ses lunettes, lit le texte phrase après phrase, accepte un amendement par-ci par-là. Le texte est court, simple et clair. Il est adopté.
    Messmer pose la question qui est sur beaucoup de lèvres : « Et si, le 16 juin, faute d'imprimeries, faute de transports, le référendum n'avait pas lieu ? »
    Pompidou sourit de l'audace. Personne ne répond.

    « J'insiste pour qu'on donne immédiatement des avantages matériels à la police »
    Le bruit a couru que la police, dont les syndicats sont majoritairement de gauche, s'apprêterait à passer du côté de la contestation. Mais ce n'est sans doute que de l'auto-intoxication.
    Le Général a-t-il entendu cette rumeur ? En tout cas, il a de la suite dans les idées. Ce qu'il a dit l'autre jour, en petit comité, dans un français de caserne — « Il faut leur donner de la gnôle 5 » —, il le répète à la fin du Conseil des ministres en termes choisis : « J'insiste pour qu'on donne immédiatement des avantages matériels à la police : dans ces périodes où on exige tant d'elle, c'est la moindre des choses. » S'il n'avait pas tapé du poing sur la table à son retour de Bucarest, les ministères concernés, Finances et Fonction publique, auraient sûrement continué à traîner les pieds selon leur habitude, c'est-à-dire à attendre que le moment utile soit passé. Et malgré le coup de poing, l'affaire n'est toujours pas réglée. Le Général l'a su. Il donne un nouveau coup de poing dans l'édredon.
    Joxe me tire en souriant par la manche : « Si le Général veut garder le Premier ministre, il faut qu'il change l'Assemblée. Mais s'il veut changer le Premier ministre, il faut qu'il garde l'Assemblée. Vous voyez bien qu'il veut garder l'Assemblée. Ça veut dire qu'il veut changer de Premier ministre. Il a fait venir Couve à l'Élysée hier dimanche, par une porte dérobée. Ce n'était pas pour enfiler des perles. »
    Cet enchaînement est séduisant. Si le Général se donnait cinq ou six semaines pour changer le Premier ministre, il pourrait en effet procéder à la dissolution, organiser des élections générales et nommer un nouveau gouvernement ensuite. Mais s'il veut changer le Premier ministre immédiatement, il est obligé de choisir une autre procédure pour consulter le peuple : il n'y a que le référendum.
    Marcellin et moi descendons ensemble l'escalier, nous arrêtant presque à chaque marche. Nous partageons les mêmes interrogations.
    Pourquoi le Général, toujours si imaginatif et si volontaire, donne-t-il le spectacle de cette passivité qu'il reproche à juste titre à son gouvernement ? Pourquoi ne recourt-il pas aux pouvoirs exceptionnels qu'appelle, dans toutes les démocraties, une situation exceptionnelle: état d'urgence, loi martiale... Pourquoi n'engage-t-il pas des

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