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C'était de Gaulle, tome 3

C'était de Gaulle, tome 3

Titel: C'était de Gaulle, tome 3 Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Alain Peyrefitte
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supplémentaires.
    GdG. — Nous nous sommes laissé faire par les Anglais en entrant dans le programme ELDO (mauvais signe qu'il choisisse le sigle anglais : il ne voit dans cette organisation qu'un "machin" britannique). Si les Anglais ne veulent plus payer, il ne faut plus parler d'ELDO. Quant à la suite, c'est-à-dire un lanceur lourd européen sans les Anglais, il faudra voir les choses de près.
    AP. — Je dois me rendre à l'instant à la conférence, et je souhaiterais être bien au clair sur mes instructions.
    GdG. — Elles sont simples : nous ne devons pas nous laisser aller à payer de plus en plus pour une entreprise de plus en plus aléatoire.
    Couve. — La sagesse consisterait à prendre acte de ce qui sera dit de part et d'autre, et à ajourner.
    Pompidou (surenchérit). — Ce n'est pas à nous de mettre les Anglais au pied du mur. M. Peyrefitte devra s'en tenir à un rôle d'observation, en vue de rendre compte au gouvernement. »
    L'obligation de partir au plus vite m'empêche de discuter cette recommandation. Pourtant, je sais d'avance comment la séance va se dérouler. Si la présidence est passive, il n'y aura aucun moyen d'empêcher que les Britanniques noient cet organisme, pourtant créé à leur demande. Si elle est active, il reste une chance de le sauver, c'est-à-dire de sauver l'avenir et d'une fusée européenne et du champ de tir de Guyane. Il ne me restera plus que la solution de rattraper une passivité apparente par une hyperactivité confidentielle.

    Château de la Muette, 10 juin 1966.
    Muni de mes instructions prudentes, mais intimement soucieux de sauver la fusée européenne, je vais à ma présidence. Elle se prolonge le lendemain 10 juin.
    Une fois de plus, le flair du Général n'était pas en défaut. Ce qu'il craignait pour le projet de lanceurs lourds européens n'a pas manqué de se produire. Mon homologue britannique, Mulley, est venu me prévenir que la Grande-Bretagne avait l'intention de se retirer.
    Comme dit Couve, « nous en venons au faire et au prendre ». Mulley a l'air sincèrement désolé et désireux de bien faire ; mais il est surveillé de près par le secrétaire adjoint au Foreign Office, Lord Chalfont, qui suit à la lettre les instructions du Premier ministre Wilson. Ça coûte trop cher. Pour lui, c'est fini.
    En ouvrant la séance, j'exprime ma surprise que les Anglais se retirent, après nous avoir fait perdre des milliards pour développer une fusée dont ils n'avaient pas l'usage. Je provoque plusieurs interruptions de séances, au cours desquelles je demande à mes collègues allemand, italien, belge, néerlandais, de partir à l'assaut.

    « Les Anglais se défileront quand même. Et vous, vous êtes en retard »
    Or, ce même 10 juin, une réception est offerte à la communauté scientifique de France, dans le cadre prestigieux du Trianon restauré par les soins d'André Malraux. Il s'agit de fêter le tricentenaire de la fondation de l'Académie des sciences, et le Général a accepté ma suggestion de donner le plus grand lustre à cette fête de l'intelligence. Quand il sera là pour recevoir ses invités, le ministre de la Recherche scientifique doit, bien sûr, être à ses côtés.
    Il faut être à Versailles à 17 heures. Tout l'après-midi, je regarde ma montre avec inquiétude. La réunion a semblé mal tourner. Depuis le début, il est clair que les Anglais veulent rompre et partir le soir même. Mais leur délégation est embarrassée de devoir assumer seule la responsabilité d'une rupture. Il faut faire durer la conférence jusqu'à ce que les Anglais, complètement isolés, sentent l'impossibilité politique de quitter l'Europe de l'espace, alors qu'ils ne cessent de réclamer leur entrée dans l'espace de l'Europe.
    Les minutes passent, je vois bien que je vais être en retard à Trianon. Mais l'enjeu est trop important. Nous aboutissons enfin. Le ministre britannique Mulley finit par capituler. L'Europe de l'espace est sauvée, la fusée européenne 7 aussi, et le site de Kourou aura son plein emploi.
    Quand je peux prononcer la clôture sur un accord général, il ne me reste qu' à contrevenir aux instructions de Pompidou nous enjoignant de ne pas utiliser de motards : tant pis pour ce qu'en pensera le bon peuple. Les sirènes hurlent, les pneus souffrent, et moi donc.
    J'arrive en courant. Le Général accueille ses invités depuis une bonne demi-heure, pendant que leur file d'attente s'étire au loin ; seul André

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