C'était De Gaulle - Tome I
des repliés. Veillez-y. Ces journalistes ne font pas de l'information, ils font de la sensation! S'ils exagèrent, il n'y a qu'à leur couper le câble! »
« N'en parlez pas encore »
Au moment de prendre congé, je demande au Général s'il compte faire une conférence de presse en septembre, comme les autres années.
GdG: « Oui, après mon retour d'Allemagne. Je pense vers le 20 septembre. Mais ne l'annoncez pas encore.
AP : Vous savez déjà quel sujet vous traiterez?
GdG. — Oui. Essentiellement, la modification de la Constitution sur l'élection du Président de la République et sur le référendum qui en décidera. Mais n'en parlez pas encore. »
Ainsi, le projet qu'il m'a dévoilé le 30 mai, qu'il a confirmé en s'adressant à la nation le 8 juin, et dont personne, ni dans le gouvernement, ni au Parlement, ni dans la presse, n'a deviné la portée, il me le répète et m'en précise le calendrier, tout en m'imposant le secret. Une demi-heure avant que les fusils-mitrailleurs de l'OAS ne le prennent en tir croisé au carrefour du Petit-Clamart...
1 Le référendum d'avril 1962 ratifiant les accords d'Évian entraînait une habilitation référendaire, qui permettait l'édiction d'ordonnances jusqu'à la fin de septembre 1962.
Chapitre 20
« IL FAUT QUE JE PASSE LA GARDE EN REVUE »
Matignon, 22 août 1962.
À l'instant même où, ayant terminé ma conférence de presse au ministère de l'Intérieur, j'entre dans mon bureau du « petit Matignon », Roger Frey m'appelle sur l'interministériel : « Le Général vient d'essuyer un attentat. Je ne sais rien d'autre. Je vous rappelle. »
Les coups de téléphone haletants se succèdent. L'événement apparaît vite dans toute sa dimension. Le Général était parti en voiture pour Villacoublay, où l'attendait son avion pour Saint-Dizier. Au carrefour du Petit-Clamart, sa voiture a été prise sous le feu d'un commando. Le chauffeur a accéléré. On ne sait encore rien sur les trois occupants — le général et Mme de Gaulle, le colonel Alain de Boissieu faisant fonction d'aide de camp. On apprend enfin que tout le monde est arrivé indemne à Villacoublay. Puis, que l'avion s'est envolé.
Réunion immédiate à Matignon dans le bureau de Pompidou, avec Messmer, Frey arrivé en compagnie de Sanguinetti, et Olivier Guichard. « C'est encore une chance que vous soyez là, nous dit Pompidou, tout à fait maître de lui. J'ai essayé d'en réunir d'autres, ils sont tous repartis en vacances sitôt après le Conseil. »
Pratique, il entre dans le vif: «Le plus urgent, ce n'est pas de savoir ce qui s'est passé, c'est d'éviter que ça se passe à nouveau. La seule chose qui ait un sens politique (sic), c'est de prendre toutes dispositions pour protéger le Général. Il faut mobiliser sur-le-champ tous les gendarmes disponibles pour protéger le trajet de Saint-Dizier à Colombey.»
Pompidou craint un commando qui essaierait de forcer les barrages à Colombey. Il demande à Messmer si on peut envoyer des troupes aéroportées d'Allemagne. Messmer, flegmatique et réservé, répond qu'en Allemagne, il y a surtout des états-majors et peu de troupes. «Je conseillerais plutôt les CRS ou les gendarmes mobiles.
Pompidou à Frey. — Aviez-vous des renseignements sur des préparatifs d'attentat?
Frey. — On en a constamment, on en a trop, on passe son temps à éliminer ceux qui sont probablement faux. »
Finalement, on envoie à Colombey, de Haute-Marne et desdépartements voisins, six escadrons, soit cinq cents hommes, pour protéger l'arrivée et le séjour du Général.
Frey : «Le chauffeur a parfaitement appliqué la consigne qui lui avait été donnée de foncer en cas d'attentat. Ça a sauvé le Général. »
Sanguinetti dans le bureau de Pompidou, Bourges dans celui de Frey, Burin à l'Elysée, téléphonent sans relâche pour fournir au fur et à mesure des informations.
« Il semble, nous déclare Frey, que les conjurés étaient parfaitement au courant de l'horaire et de l'itinéraire. Nous avons des inquiétudes sur l'origine de ces renseignements. Des informateurs ont fait connaître l'itinéraire, qui a pourtant été choisi au dernier moment. Ils appartiennent sans doute à l'entourage du Général. Probablement un militaire.
« L'impact des balles sur la DS du Général prouve que le dispositif choisi par les conjurés consistait en tirs de flanquement par feux croisés. Ça sent son militaire. »
Pompidou hausse les
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