C'était De Gaulle - Tome I
ou pas Monnerville, cela m'est égal. Chaque fois qu'on a pris une décision en fonction d'une personne, les conséquences ne se sont pas fait attendre. Il faut nous décider sans nous occuper de savoir qui est actuellement président du Sénat, et l'Histoire nous en sera reconnaissante »
« Je vous remercie, Monsieur le ministre de l'Éducation nationale »
Tout le monde tend l'oreille vers Couve, possible dauphin, quand il prend la parole: « 100 parrains, c'est bien suffisant! On peut même se demander si ce n'est pas trop. Et quel avantage on donne ainsi aux maires ruraux! » (Missoffe, au bout de la table, lance: « Couve a peur de ne pas trouver 100 élus pour parrainer sa candidature.») «Vous avez dit: "Il faut substituer à un système compliqué, celui des notables, une opération simple, celle du suffrage universel." Mais vous êtes en train de compliquer l'adoption de cette réforme constitutionnelle par des dispositions qui l'alourdissent. Qu'on s'en tienne à la réforme prévue la semaine dernière! »
(Pompidou, contre lequel ces paroles semblent dirigées, pianote sur le tapis vert, ce qui est chez lui signe d'impatience.)
L'atmosphère se tend de nouveau quand Sudreau prend la parole.
Sudreau : «Pour répondre d'abord aux questions posées, je voudrais qu'on ne torture pas les textes. Prévoir que l'intérimexercé par le président du Sénat ne le sera plus, ou simplement sera sujet à toutes sortes de restrictions, cela sent tellement le désir de revenir mesquinement sur les dispositions actuelles de la Constitution, que je crains que le régime ne puisse en sortir sans dommage. Je demande qu'en tout état de cause, on s'en tienne au texte antérieur.
« Mais je saisis cette occasion de rappeler combien je trouve inopportune l'initiative que vous avez prise, mon général. Je vous demande de renoncer à procéder par référendum. Je répète que je suis favorable à l'élection du Président de la République au suffrage universel. Mais pourquoi ne pas procéder par la méthode normale, qui ne soulèverait de critique de personne: la méthode de révision constitutionnelle par la voie du Parlement, dont tous les détails sont prévus dans la Constitution.
« Je comprends bien, mon général, que vous désirez faire vite, de peur qu'il ne vous arrive malheur avant que cette réforme soit accomplie. Mais si jamais ce malheur arrivait, pourquoi ne ferions-nous pas ici, tous ensemble, le serment de continuer l'œuvre que vous auriez entreprise, et de faire aboutir cette réforme devant les assemblées? (Ici, la gorge de Sudreau se contracte, comme la semaine dernière; le Conseil est gagné par l'émotion.)
« Mon général, vous êtes, pour nous tous, la légitimité. Vous ne pouvez pas devenir un symbole d'illégalité. Je vous supplie de renoncer à votre projet. Vous vous grandiriez en y renonçant, en vous montrant scrupuleusement respectueux de la Constitution, qui doit être placée au-dessus de nous tous.
GdG (d'un ton glacial). — Je vous remercie, Monsieur le ministre de l'Éducation nationale.
« Votre système suppose que tous les électeurs soient polytechniciens »
Marette. — Pour écarter les candidatures fantaisistes ou dangereuses, le nombre de 1 000 parrains me paraît indispensable; celui de 2 000, voire de 5 000, serait mieux encore.»
Pompidou approuve chaleureusement, bien qu'à voix basse, comme s'il ne voulait pas irriter le Général en revenant sur un point où il sait que celui-ci s'est bloqué: «Il faut absolument faire barrage à un candidat fantaisiste, et même opérer une sélection sévère, sinon ce sera la pagaille.
Gorse. — 1) Je ne suis pas favorable au système à deux tours, qui est retors et dangereux. D'un tour à l'autre, on ne sait pas quelle cuisine peut se faire dans l'ombre. Je préférerais que l'on adopte le système australien, qui est aussi le système irlandais, c'est-à-dire un seul tour, mais avec vote préférentiel. (Le Général, qui n'a visiblement aucune idée d'un tel système, demande àGorse de s'expliquer.) Ça consiste à classer les candidats: on met 1 à côté de celui qu'on préfère, puis 2, 3, 4, etc. On fait ensuite, électroniquement, le total. Un seul tour suffit, en écartant les manœuvres, désistements et chantages.
GdG. — Votre système est excellent, mais il suppose que tous les électeurs soient polytechniciens.
Gorse. — 2) Je me rallierais volontiers à la disparition du Sénat. Mais, s'il
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