C'était De Gaulle - Tome I
relations commerciales : il demande que la France garantisse ses achats de blé et de vin. La coopération et l'assistance technique : il a de plus en plus besoin d'assistance technique et réclame 2 000 enseignants de plus. La reprise d'une aide financière, interrompue depuis 1956 en contrepartie de l'octroi de l'indépendance. Les Marocains ont présenté des récriminations violentes, exigeant 25 milliards en argent frais pour 1962 ; faute de quoi on irait à la rupture. »
Pompidou se fait l'avocat du roi :
« Il faut tenir compte de l'évolution de l'Algérie. La venue du roi à Paris est un grand acte de courage. On ne peut pas le pousser dehors. Il a montré ses appétits sur la Mauritanie et sur le pétrole algérien. Vous verrez qu'il renoncera à ces exigences, moyennant une aide financière. Ça finira comme ça. L'essentiel est de ne pas rompre. Le roi fait des difficultés aujourd'hui pour être davantage dans le coup la fois prochaine. »
Pisani s'effraie à l'idée d'une rupture avec le Maroc :
« Nous devons nous préoccuper des agriculteurs français du Maroc. S'ils rentraient, en plus de ceux de l'Algérie, ça créerait les pires difficultés en France. Nous n'avons vraiment pas intérêt à les rapatrier en ce moment. »
« Il ne faut pas se laisser piller »
Le Général se montre réservé :
« Il faudra bien faire un geste. Il faudra aussi en faire un pour la Tunisie. Ça nous coûtera quelque chose. Mais, je vous en conjure, il ne faut pas se laisser entraîner ! En particulier par les colons sur place ! L'intérêt de la France ne se confond pas avecle leur ! Il est raisonnable que nous contribuions à l'équipement de base du Maroc. Mais si nous mettons les pouces, les Marocains doivent les mettre aussi pour la Mauritanie et le pétrole. »
Après le Conseil, il m'en dit un peu plus :
« Il ne faut pas se laisser piller. Mais j'admets qu'il faut faire quelque chose pour donner satisfaction au Maroc et éviter un échec.
« La vérité, c'est que les Marocains, après nous avoir tant tiré dans les jambes pendant la guerre d'Algérie, sont aujourd'hui furieux qu'elle soit terminée, et terminée comme elle l'a été. La guerre les mettait dans une position avantageuse. Ils regardaient les autres se battre et prodiguaient des conseils. Aujourd'hui, ils ont perdu leur stature. Et ils crèvent de jalousie en voyant ce que nous allons faire pour les Algériens. Ils s'étaient tout à fait résignés depuis 1956 à ce que nous ne leur apportions aucune aide ; ils étaient les premiers à reconnaître que c'était une contrepartie naturelle de l'indépendance. Seulement, ils sont hypnotisés par les avantages que les accords d'Évian offrent à l'Algérie pour établir une coopération organique. Eh bien, il faudra qu'ils s'y fassent. La fin d'une guerre de huit ans, ça vaut cher. »
« La paix s'achète, quand on n'a pas su éviter la guerre »
Salon doré, 5 juin 1963 . Le Général me demande : « Vous êtes allé au Maroc ? C'était à titre privé ?
AP (inconscient du piège). — Pas du tout. J'étais invité par le gouvernement marocain. J'ai signé une convention de coopération, c'est-à-dire d'assistance, pour un soutien technique à Radio-Télé-Maroc et la diffusion au Maroc d'émissions de la RTF.
GdG. — Vous avez vu le roi ?
AP (mordant à l'appât). — Bien sûr.
GdG (sévèrement). — Quand un ministre fait un déplacement officiel à l'étranger, il faut que le Président de la République soit au courant au préalable ! Si vous m'aviez prévenu, je vous aurais chargé d'un message pour le roi, qui vient à Paris à la fin du mois. Et pourquoi n'avez-vous pas fait une communication en Conseil sur votre voyage ? Ce sont des pratiques à ne pas renouveler. »
J'aurais dû me méfier, après avoir entendu en plein Conseil une semblable algarade, dont Palewski avait fait les frais. Mais je croyais bien faire en n'encombrant pas le Général, et en ne surchargeant pas le Conseil, d'un déplacement que je considérais comme mineur. Erreur ! Pour le Général, rien n'est mineur de ce qui affecte la place de la France dans le monde ; rien ne lui est étranger de ce qui touche l'étranger.
Il a laissé passer quelques secondes après m'avoir sonné, puis m'a demandé gentiment : « Comment ça s'est passé ?
AP. — Fort bien. C'était surtout un prétexte à contacts. La moitié des ministres m'ont rencontré. J'ai été reçu avec beaucoup d'amabilité et même
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