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C'était De Gaulle - Tome I

C'était De Gaulle - Tome I

Titel: C'était De Gaulle - Tome I Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Alain Peyrefitte
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d'apparat. Pour mon entrée au Palais, il y a eu une prise d'armes de la garde royale.
    GdG. — C'étaient des spahis ? (Le militaire perce sous le civil.)
    AP. — Oui, en grande tenue, pantalons garance bouffants.
    GdG. — Il vous a reçu dans son bureau ?
    AP. — Non, dans la salle du trône. Il était assis sur un trône surélevé, j'étais en contrebas avec notre ambassadeur, Pierre de Leusse. Il m'a chargé de vous dire l'amitié qu'il éprouve envers la France et la joie avec laquelle il s'apprête à venir à Paris. Il a évoqué "l'esprit de Champs".
    GdG. — Il vous a fait son numéro de jalousie à l'égard de l'Algérie ?
    AP. — Absolument : "Pourquoi la France ne donnerait-elle pas au Maroc, qui a pris son indépendance pacifiquement, une aide identique à celle accordée à l'Algérie, qui la lui a arrachée dans les larmes et le sang ? Pourquoi récompenser la violence et punir la non-violence ? Pourquoi une telle inégalité : 100 milliards d'un côté, 10 milliards de l'autre ?" »
    GdG. — La paix s'achète, quand on n'a pas su éviter la guerre. »

    « Les Arabes se détestent entre eux »
    J'entretiens le Général des problèmes de coopération dont on m'a saisi, en dehors de ma compétence :
    « Le roi se plaint de la précarité de ses liaisons téléphoniques. Les câbles passent par l'Algérie. Oran commande tout le trafic international du Maroc. Les conversations sont écoutées par les Algériens. Accessoirement, l'administration algérienne est incapable d'assurer la qualité des transmissions. Partout où les Français s'en vont, elle entretient mal le matériel. Il demande que soit posé un câble direct Perpignan-Ceuta, le plus rapidement possible, pour assurer l'autonomie des communications du Maroc avec le reste du monde.
    GdG. — Les Tunisiens font la même demande. Ils sont tout aussi furieux d'avoir à passer par l'Algérie et d'être soumis au contrôle des Algériens.
    AP. — Les Marocains sont très contents des fonctionnaires des PTT français au Maroc, ils demandent instamment à les garder.
    GdG. — Les Arabes se détestent entre eux et préfèrent les Français.

    « La démocratie et la légitimité ne vont pas forcément ensemble »
    AP. — La seule limite à la coopération franco-marocaine, c'est la fragilité de la démocratie au Maroc et l'attitude de l'Istiqlal 2 , qui souffle sur les braises contre l'ancien colonisateur.
    GdG. — Vous savez, les démocraties sont toujours plus ou moins fragiles. Tout le monde ne peut pas s'offrir le luxe d'un régime fragile. Ce genre de pays, il vaut mieux qu'ils ne cherchent pas à être trop démocratiques. L'important, c'est que le pouvoir y soit légitime, c'est-à-dire qu'il corresponde au sentiment profond du peuple. Apparemment, c'est le cas au Maroc. La démocratie et la légitimité ne vont pas forcément ensemble.
    (Il est très rare que le Général donne un pareil coup de chapeau à un État étranger. Il est frappant que ce soit pour distinguer la "démocratie" de la "légitimité". La démocratie sans la légitimité ? Il doit penser à la IV e République. La légitimité sans la démocratie ? Il doit penser à lui-même en 1940-1944, au sultan Mohamed V assigné à résidence en Corse et à Madagascar, au roi Hassan II aujourd'hui. Dans la hiérarchie de ses valeurs, la légitimité passe avant la démocratie, parce que c'est elle qui établit le rapport le plus étroit entre le pouvoir et la nation qu'il sert.)

    « C'est la manière d'être des journalistes que de gonfler l'opposition »
    AP. — Le roi est mécontent des dépêches de l'AFP concernant le Maroc. Une dépêche a parlé de ses cinq Cadillac. Il suspecte ses adversaires de l'avoir inspirée, et l'AFP de ne puiser ses informations que dans l'opposition marocaine.
    GdG. — L'AFP n'agit pas seulement ainsi au Maroc. C'est la manière d'être des journalistes que de gonfler l'opposition. Voyez comment ils se comportent ici. Vous n'y avez pas plus porté remède que vos prédécesseurs. »
    Un instant, je me dispose à répondre : « L'AFP n'aurait pas de crédit si elle ne prenait ses sources qu'au gouvernement.» Mais je refrène ma réplique en faisant semblant de ne pas avoir entendu. Et j'enchaîne :
    « Plusieurs ministres marocains cherchent dans l'expérience politique française une préfiguration de ce que le roi pourrait faire au Maroc. Ce qui s'est passé l'automne dernier chez nous (leréférendum et les élections) les a

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