C'était De Gaulle - Tome I
captivés. Ils considèrent que nos régimes sont maintenant " tout à fait semblables ". Le Président français est "un monarque élu", le roi du Maroc est "un Président héréditaire ". Ils songent à créer une nouvelle formation politique comparable à l'UNR et qui devrait l'emporter aux élections locales ou nationales. Mais, évidemment, ils veulent avoir l'assurance qu'elle gagnerait toujours et partout. »
« Ah, celui-là, il vit toujours ?... »
Le Général rit de bon cœur. Il est de nouveau très détendu.
« Vous avez pris un avion du GLAM 3 ?
— Non, un avion de ligne. Dans la Caravelle Paris-Rabat, j'étais assis à côté d'un ancien résident général au Maroc, qui y est toujours chaleureusement reçu et qui a une foule de choses passionnantes à raconter : le général Noguès. »
Le Général se rembrunit : « Ah, celui-là, il vit toujours ?... S'il avait suivi le chemin de l'honneur en juin 40, il aurait entraîné tous les autres proconsuls. L'Empire et la marine auraient continué la guerre, qui aurait été raccourcie d'une année, au bas mot. Un an de guerre de moins, c'étaient des millions de morts en moins. Il aurait mérité... »
Il s'arrête là. A-t-il eu envie de dire : « Douze balles dans la peau » ? Il reprend calmement : « Il aurait mérité le sort qui a été réservé à tant de pauvres bougres, à la Libération, avant que j'aie pu y mettre le holà. »
Il ne paraît pas songer un instant que, si Noguès avait pris la tête de la Résistance, de Gaulle serait resté dans l'obscurité.
1 À Champs-sur-Marne, château du domaine de l'État, Hassan II avait été reçu par de Gaulle et s'était entretenu avec lui les 10 et 11 mai 1962.
2 Parti de l'Indépendance, qui avait mené la vie dure aux Français jusqu'en 1955.
3 Groupement de liaisons aériennes ministérielles basé à Villacoublay.
Chapitre 20
« L'ARMÉE FRANÇAISE ENTRE DANS LES TEMPS MODERNES »
Au Conseil du 13 février 1963, Pompidou présente des décrets concernant la Défense nationale en temps de guerre :
« Dans la conduite de la guerre, pour l'effort de guerre, tout est décidé par le gouvernement en Conseil des ministres ; pour les opérations militaires jour après jour, par le Conseil de défense. En cas de disparition du Président de la République, la succession est assurée par le Premier ministre, puis un des ministres, selon l'ordre de préséance.
GdG. — Chaque ministre doit s'occuper personnellement de la défense nationale, œuvre collective de tous les ministres. On ne peut pas se borner à passer la responsabilité à un fonctionnaire, si qualifié qu'il puisse être.
« Si Joffre avait perdu la bataille, la République aurait été renversée »
Triboulet. — Pendant la guerre de 14, toutes les responsabilités incombaient au commandant en chef, comme l'a dit Joffre à propos de la Marne. Or, pendant la Seconde guerre, Gamelin et Weygand ont reporté sur Daladier, puis sur Reynaud, la responsabilité de leurs échecs. De même, à Dien Bien Phu, Navarre, commandant en chef, s'était persuadé qu'il n'avait pas de responsabilités. Il n'y a eu aucun Conseil de guerre pour Gamelin, pour Weygand ni pour Navarre. L'impression a subsisté que, même en temps de guerre, c'est le pouvoir politique qui est responsable.
GdG. — Depuis que le monde est monde, il y a toujours eu des discussions sur le rôle respectif des civils et de l'armée. Joffre ? En 14, tout était réglé d'avance. On savait que tout allait dépendre de la bataille. Il y avait un seul ennemi et des alliés qui ne comptaient pas. Un seul plan, le "plan 17", approuvé par le gouvernement. Joffre était à l'aise, couvert par le gouvernement, avec des moyens préparés à l'avance. On ne pouvait pas distinguer entre les responsabilités du gouvernement et celles du généralissime. Elles se confondaient toutes.
«Si Joffre avait perdu la bataille, la République aurait été renversée. Tout le monde aurait été renversé à la fois ! C'était un effort de la nation tout entière, en même temps que des armées. Toutes les ressources étaient engagées ; ce qui mettait au premierplan l'action du gouvernement. Les gouvernements ont été ce qu'ils ont été, ils ont fait leur boulot pour mettre le pays en guerre, ils ont accepté que cette guerre nous coûte plus cher qu'aucune guerre ne nous a jamais coûté.
« Il y a eu des généralissimes successifs, mais ce n'était pas ça l'important. Si les
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