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C'était De Gaulle - Tome I

C'était De Gaulle - Tome I

Titel: C'était De Gaulle - Tome I Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Alain Peyrefitte
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être question dans les conversations à venir. Ils savent d'ailleurs que nous partons. Ils savent aussi pourquoi nous voulons partir. Nous partirons parce que Bizerte ne nous servira plus à rien une fois que nous auronsune force atomique. Ce n'est pas encore tout à fait le cas. Dès que ce sera le cas, nous évacuerons. Car si jamais un danger pour la France s'y présentait, par exemple si les Soviétiques s'y installaient, ce qui serait une menace grave pour nous, nous écarterions ce danger en annonçant que nous y lancerions une petite bombe atomique. »
    Il a pris un crayon entre son pouce et son index et l'y fait rouler. Puis, il le laisse tomber sur son sous-main de vieux cuir fauve, comme un avion laisserait tomber une « petite bombe » :
    « C'est beaucoup plus expéditif que d'avoir à y entretenir des hommes, un arsenal et une flotte.
    « Cela, ils l'ont bien compris, et ils savent que c'est une page tournée. Ce ne sont plus là des sujets de querelles. Tout cela appartient à un autre temps. L'armée française entre maintenant dans les temps modernes.

    « Nous pouvons pulvériser Bizerte et Moscou à la fois »
    AP. — Était-ce la peine de traiter si durement les Tunisiens en 1961, si c'était pour abandonner Bizerte si vite ? »
    À peine lui ai-je posé la question que j'en mesure avec inquiétude la témérité. Pourtant, il me répond avec patience, comme on le ferait pour un élève docile mais peu doué :
    « J'ai toujours dit que nous ne resterions pas à Bizerte. Par malheur, Bourguiba a attaqué un beau jour à Bizerte, pour apparaître comme ayant arraché par la force ce que nous nous apprêtions à accepter de nous-mêmes. Il nous a fait tirer dessus sauvagement. Il a cru que nous allions lever les bras en l'air, que nous allions hisser le drapeau blanc, que nous allions partir la tête basse.
    « Naturellement, nous avons riposté. Si nous ne l'avions pas fait, nous aurions perdu tout crédit. Simplement, cette affaire a révélé la veulerie du monde politique français, qui a cru devoir massivement faire chorus avec Bourguiba. Lamentable ! Déshonorant !
    « Maintenant, rien ne s'oppose à ce que nous partions. Nous commençons à disposer d'engins nucléaires. Nous allons être capables de pulvériser Bizerte et Moscou à la fois. »

    « L'escalade de la bêtise au déshonneur »
    Hôtel de la préfecture de Mézières, 24 avril 1963. Une demi-heure avant le départ du cortège, le Général me donne quelques instructions. Comme il reste du temps et que visiblement il s'ennuie, je m'enhardis à lui demander :
    « Nous avons longé hier des casemates de la ligne Maginot. Qu'avez-vous pensé, en les voyant ?
    GdG. — Que voulez-vous que j'en pense ? (Il s'arrête un temps, puis reprend lentement.) Le cœur se serre en pensant à tout ce gâchis, à toute cette escalade... de la bêtise au déshonneur.

    AP. — Vous qui avez suivi de près, à l'époque, le mécanisme de la prise de décision, comment expliquez-vous qu'on ait adopté un parti aussi aberrant : une politique étrangère qui exigeait une armée offensive, et une politique militaire purement défensive ?
    GdG. — C'est incroyable, mais c'est vrai. Notre diplomatie supposait que notre armée soit prête à se porter immédiatement au secours de la Belgique, de la Hollande, de la Pologne, de la Tchécoslovaquie. Et notre défense reposait sur la ligne Maginot, qui se bornait à protéger la moitié de notre frontière nord-est, celle des invasions. C'était nous interdire la moindre intervention au profit de nos alliés et indiquer à la Wehrmacht le chemin par où passer.
    AP. — Peut-être voulait-on éviter de donner aux Belges, si on les laissait en dehors du glacis, l'impression qu'ils étaient sacrifiés d'avance ?
    GdG. — Au contraire, si la ligne Maginot avait été prolongée jusqu'à la mer, la conquête de la Belgique aurait perdu son intérêt pour les Allemands. Tandis qu'en laissant cette frontière dégarnie, nous invitions les Allemands à envahir la Belgique.

    « Cette mécanique des commissions est redoutable »
    AP. — Alors, comment une décision pareille a-t-elle pu être prise ?
    GdG. — Après ce qu'on appelait la Grande Guerre, l'opinion était pacifiste. La facilité, pour les hommes politiques, était d'aller dans le sens de l'opinion. Maginot, appuyé par l'état-major, a proposé de construire un bouclier qui supposait que nous resterions sur terre, l'arme au pied. Le Quai d'Orsay et la

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