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C'était De Gaulle - Tome I

C'était De Gaulle - Tome I

Titel: C'était De Gaulle - Tome I Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Alain Peyrefitte
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Rue Saint-Dominique 2 s'ignoraient. Nous prenions des engagements internationaux, et en même temps nous adoptions une politique militaire qui nous interdisait de les tenir. C'était incohérent par rapport à nos alliances, qui exigeaient que nous portions, du jour au lendemain, secours à nos alliés. C'était incohérent en soi, puisque cette couverture ne nous couvrait même pas. Et nous nous privions de la capacité offensive qui nous aurait permis de compenser l'insuffisance de notre demi-bouclier.
    « En réalité, il n'y avait pas d'État. Pas de gouvernement. La main droite ignorait ce que faisait la main gauche. Des commissions interminables se réunissaient. Elles préparaient l'exécution d'une décision qui n'avait pas été vraiment prise, mais qu'on exécutait quand même, puisqu'il était inconcevable qu'elles se soient réunies si longtemps pour rien.
    « Cette mécanique des commissions est redoutable. Si on ne la bloque pas, elle finit par tout broyer. C'est pour ça que j'ai bloqué la mécanique de commissions et de conférences qui préparaient à Bruxelles l'entrée de l'Angleterre dans le Marché commun. La décision n'avait jamais été prise, et peu à peu, pourtant, on se trouvait devant le fait accompli, comme si elle avait été prise irréversiblement. Plus le temps passe, à partir du moment où le processus a été engagé, moins on peut l'empêcher d'aboutir. Quand des gens se réunissent, prennent date pour se retrouver, commencent à changer des virgules sur des avant-projets de document, une machine se met en route, à laquelle on ne peut plus échapper, sinon par une crise que personne n'a le culot de déclencher. »
    L'aide de camp ouvre la porte : « Il faut partir. »
    1 Ambassadeur de Tunisie à Paris.
    2 Les ministères des Affaires étrangères et de la Guerre.

Chapitre 21
    « ON NE MET SA VIE EN JEU QUE POUR SON PAYS. ET ENCORE ! »
    Salon doré, après le Conseil du 13 mars 1963. En écho à une réunion de l'UEO à Bonn, le Général me déclare :
    « Être protégé par une autre puissance que soi-même est devenu illusoire. On ne peut demander à aucune puissance d'être décidée d'avance, à coup sûr et dans toutes les hypothèses, à engager sa propre existence pour défendre un autre pays qu'elle-même.
    « Et puis, vous avez pensé à ce que seront les États-Unis dans quinze ans, dans trente ans ? Qui peut en répondre ? Kennedy peut-il s'engager pour le successeur du successeur de son successeur ? Et pour les quelques minutes dont ce président-là disposera avant de presser sur le bouton ? C'est de la rigolade ! On ne met sa vie en jeu que pour son propre pays. Et encore ! Il faut un président qui ait les reins solides. »

    « Il y a un débordement d'hypocrisie »
    Au Conseil du 20 mars 1963, Couve fait le point sur les négociations autour de la « force multilatérale », qu'on désigne du sigle anglais MLF.
    GdG : « Il vaut mieux continuer à la désigner sous ce sigle ; nous n'avons aucune raison de le franciser. Elle est et restera anglo-saxonne, avant de tomber probablement en désuétude.
    « Sur cette affaire atomique, il y a un débordement d'hypocrisie. Le négociateur américain, Merchant, veut persuader les Européens, particulièrement les Allemands, qu'avec la force multilatérale, ils compteront dans les affaires atomiques mondiales. Alors que la décision d'emploi appartiendra au seul Président des États-Unis.
    « La Grande-Bretagne, elle, veut faire croire que l'accord de Nassau lui laisse son indépendance.
    « Tout ce qu'ils disent pour faire croire que... ne change rien au fond des choses.
    Pompidou. — Alsop assure que les Américains renonceront à leur droit de veto sur l'usage de l'arme.
    GdG. — Mais le Congrès américain ne l'acceptera jamais ! Tous les Alsop, les Lippmann, les Raymond Aron, bref, tous les journalistes américains, soutiennent cette théorie mensongère, qui ne tient pas compte des réalités les plus aveuglantes.
    Pisani. — Je suis frappé par l'ignorance de notre position dans le public et dans la presse.
    GdG. — C'est parce que notre presse est dominée par l'étranger.
    Pisani. — Il est difficile d'en prendre notre parti.
    GdG. — Je ne le prends pas. »
    Il se tourne vers moi et me regarde avec insistance, sans que je puisse discerner si son œil reflète le reproche, ou préfigure une instruction particulière qu'il me réserve pour la suite.

    De fait, après le Conseil, le Général revient

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