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C'était De Gaulle - Tome I

C'était De Gaulle - Tome I

Titel: C'était De Gaulle - Tome I Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Alain Peyrefitte
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que les Américains aient retiré leurs missiles de Turquie, aussitôt après la crise de Cuba ? Parce que leurs missiles en Turquie ne pouvaient avoir comme objectif que la Russie elle-même. De même que les missiles soviétiques à Cuba ne pouvaient avoir pour objectif que les États-Unis. La Turquie était le Cuba des Américains ; Cuba était la Turquie des Russes. L'équilibre atomique entre les deux grandes puissances exigeait le double retrait.
    « Maintenant que l'accord qui se cherchait a été traduit dans les faits et qu'il est reconnu de part et d'autre, les Russes et les Américains sont soulagés. Leurs deux sanctuaires sont en dehors du coup. Ils peuvent se permettre de se bagarrer en Europe, il ne leur arrivera rien de grave. Certes, les Américains pourront clamer que, si l'Europe est attaquée, ils la défendront. Oui... Ils la défendront avec les quelques soldats qu'ils y laisseront, et peut-être avec des bombes nucléaires tactiques ayant pour objectif les troupes ou, tout au plus, à l'arrière, les pays satellites.
    « Mais la grande stratégie nucléaire n'aura pas lieu. Car la menace russe sur les États-Unis aura neutralisé la menace américaine sur la Russie. Les missiles, à Cuba comme en Turquie, rompaient cet accord profond. C'est pourquoi l'histoire des U2 à partir du sol turc avait mis les Russes en transes.

    « Les Américains ont parfaitement raison de s'entendre avec les Russes »
    « C'est là aussi le sens caché de l'accord de Nassau. Il s'agit de ficeler les Anglais, pour qu'ils ne puissent pas tirer sur la Russie ; sinon, cela mettrait par terre l'entente entre les deux colosses. La Russie ne peut être que satisfaite de Nassau, et l'Amérique aussi.
    « Voyez-vous, si j'étais Américain, j'en aurais fait autant ! On ne peut jamais reprocher à un homme d'État de défendre les intérêts de son pays. Les Américains ont parfaitement raison de s'entendre directement avec les Russes. Mais la politique des Américains n'est pas celle de la France. Parce que les intérêts des Américains sont différents des intérêts de la France.
    « Les Anglais s'imaginent naïvement que, s'ils entrent dans la force multinationale, ils pourront s'en retirer, le moment venu, pour s'occuper de leurs intérêts à eux. C'est une plaisanterie. Cars'il s'agit d'un conflit qui met en cause le Koweit ou l'île de Sainte-Hélène, ils ne vont pas se servir de bombes atomiques. Si c'est un conflit qui concerne une puissance atomique comme la Russie, à ce moment-là, ils seront ficelés par les Américains. Car ils ne pourront pas se retirer du filet de l'Amérique, et ils seront obligés de se soumettre à sa stratégie.
    « D'ailleurs, si les Anglais voulaient se retirer contre le gré des Américains, ils ne le pourraient pas. Ils sont entièrement à la merci des Américains. S'ils tiraient à partir de leurs sous-marins en s'échappant du système de guidage et de repérage américain, ils ne sauraient pas s'ils tirent sur Moscou ou sur Vladivostok, ou quelque part sur la toundra !
    « Quant aux Allemands, bien sûr, ils ne sont pas contre le projet de force multilatérale, car ils considèrent que tout organisme atomique où on les admettra sera pour eux un premier pas vers la constitution d'une force nucléaire qui leur serait propre. Un général allemand qui soit le plus près possible du centre de déclenchement d'une éventuelle guerre atomique, c'est leur vœu le plus cher. Parce qu'ils savent qu'à l'heure actuelle, ils ne peuvent pas aspirer à plus. »

    « Tout le monde finit par comprendre qu'il n'y a rien à faire contre la France »
    AP. — Vous avez vu Dean Rusk 3 et Home 4 . Ces entretiens ont-ils changé quelque chose ?
    GdG. — Il y a quelque chose de changé : c'est que les Anglais et les Américains ont compris qu'ils ne pouvaient rien contre nous. De notre côté, il n'y a pas le moindre changement. Nous n'avons jamais adressé la moindre invective aux Anglais et aux Américains. Nous avons été extrêmement polis. Nous n'avons jamais élevé la voix. Le 14 janvier, j'ai indiqué où nous voulions aller et où nous ne voulions pas aller. Après quoi, il y a eu des clameurs. Mais ça n'est pas nous qui les avons élevées, ni alimentées. Nous avons laissé crier tout le monde. Tout le monde se sera rendu compte de ce fait fondamental dans la politique internationale : c'est qu'on ne peut pas aller contre la volonté de la France. Cela, on ne l'avait jamais vu depuis

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