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C'était De Gaulle - Tome I

C'était De Gaulle - Tome I

Titel: C'était De Gaulle - Tome I Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Alain Peyrefitte
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    « La légalité était contre la France libre »
    Salon doré, 8 juillet 1964.
    Le Général me demande de me préparer à prononcer un discours sur Péguy à Orléans, pour le cinquantième anniversaire de sa mort.
    AP : «Vous m'avez cité un jour une formule de Péguy: "L'ordre, et l'ordre seul, fait en définitive la liberté.". Vous sembliez y attacher une certaine importance. Ne croyez-vous pas, mon général, que la formule est réversible : "La liberté, et la liberté seule, fait en définitive l'ordre" ? »
    Le Général esquisse un sourire : « Il arrive que les meilleures formules se retournent... Ces deux notions se commandent. En juin 40, l'ordre était jeté bas, comme il le fut rarement dans notre histoire. Il n'y avait plus ni ordre, ni liberté. Il était clair qu'un ordre nouveau ne pourrait se rebâtir qu'à partir de la liberté. C'est-à-dire à partir des Français libres, et seulement dans une France libérée. L'ordre de Vichy était caduc, par le fait même que ce régime n'était pas libre. Ces gens ont commis l'erreur de croire qu'ils allaient pouvoir faire une Révolution nationale, tout en étant asservis. C'est alors que la nécessité m'a précipité hors des routes légales. »
    La « nécessité », ou plutôt sa foi en la patrie et en lui-même...
    AP : « C'est pour ça que vous avez inventé le concept de légitimité ?
    GdG. — Tout au plus, je l'ai réinventé : il était très vivant au siècle dernier, et même dans les siècles précédents. J'ai invoqué la légitimité, parce que la légalité était contre la France libre. Tout ce qui représentait la légalité s'est éloigné alors de moi. À part de rares exceptions, les fonctionnaires de métropole et d'outre-mer, l'armée, l'aviation. La marine a préféré se faire couler à Mers-el-Kébir, ou se couler elle-même à Toulon, ou s'empailler à Alexandrie. Le pire : les Français de l'étranger. André Maurois, JulesRomains, Alexis Léger 4 et tant d'autres ont choisi confortablement de s'installer aux États-Unis ; quitte à se donner bonne conscience en montant Roosevelt et le Congrès contre moi.
    « À Londres, dans une revue qui avait eu le culot de s'intituler La France libre, Raymond Aron et André Labarthe ne cachaient pas leur hostilité à mon égard. Raymond Aron me traitait de Badinguet. Il a contribué à répandre aux États-Unis l'idée que je n'étais qu'un général de pronunciamento, de type latino-américain. »
    Ce n'est sûrement pas par américanisme qu'en février 1959, des normaliens d'extrême-gauche l'avaient, eux aussi, traité de la sorte... En 1940, « quarante millions de Français », respectueux de la légalité, se rangeaient ainsi derrière Pétain. Il avait fallu attendre le 11 novembre 1940 pour qu'apparût en métropole le premier signe tangible de sympathie à l'égard du gaullisme : des étudiants portant deux gaules s'étaient massés autour de l'Arc de Triomphe, avant que la police les poursuivît.
    L'appel du 18 Juin était illégal. Au nom de la légalité, Weygand fit tenir au Général un télégramme le sommant de revenir, puis le traduisit devant un tribunal militaire. Au nom de la légalité, l'ambassade de France à Londres s'en alla tout entière dès qu'elle eut reçu l'ordre de rejoindre Vichy, après Mers-el-Kébir, sans qu'aucun de ses membres restât auprès de De Gaulle. Un diplomate déclara à son camarade Geoffroy de Courcel : « Vous devriez avoir honte de rester avec de Gaulle. »

    « Je savais que Darlan serait exécuté »
    Salon doré, 23 janvier 1963.
    Le Général : « Ce que veulent les Américains, c'est être souverains chez nous. En 1944, ils s'apprêtaient à faire gouverner la France par l'AMGOT 5 . Si je n'avais pas imposé, par mes représentants et par la Résistance, quand je suis venu à Bayeux huit jours après le débarquement, l'autorité du gouvernement provisoire, la France aurait été traitée en pays ennemi et conquis, comme c'était déjà le cas de l'Italie et comme ça allait l'être de l'Allemagne ; mais non de la Belgique et de la Hollande, dont les gouvernements s'étaient réfugiés à Londres. Déjà, en 1942, les Américains avaient passé des accords secrets avec Darlan, quitransféraient aux États-Unis la souveraineté française sur l'Afrique du Nord 6 .
    AP. — C'est pour ça que Darlan a été assassiné ?
    GdG. — Darlan n'a pas été assassiné ! Il a été exécuté par la Résistance. Quatre hommes ont

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