C'était De Gaulle - Tome I
discussions, et il faudra au moins dix ans pour la résorber ! Il est essentiel d'éviter de prendre des engagements sous prétexte d'échapper à une menace de grève.
GdG. — Le gouvernement donne des verges pour se faire fouetter ! C'est sa faiblesse en face des féodalités qui les rend si redoutables !
« Là où l'État devrait régner en maître, il est le plus faible »
Malraux. — Les conservateurs de musées sont une catégorie particulièrement favorisée. Leur statut est à l'étude et se trouve actuellement devant le Conseil d'État. J'ai reçu la visite du vice-président du Conseil d'État, qui est venu déplorer devant moi la situation misérable de ces personnages, qui sont pourtant, je vous prie de me croire, loin d'être à plaindre. Comment faut-il que je réponde à M. Parodi ?
GdG. — Je suppose qu'il ne pouvait s'agir que d'une intervention personnelle et que le vice-président du Conseil d'État n'intervenait pas à titre officiel, ès qualités. Alors, vous pouvez vous placer vous-même sur le terrain de la haute considération. »
(Rires. La question de Malraux était naïve, ou faussement naïve, mais le Général a riposté par une boutade qui évitait avec soin d'être désagréable.)
Parmi les syndicats, « les plus virulents, les plus enkystés, les plus féodaux, sont ceux du secteur public. Là où l'État devrait régner en maître, c'est là qu'il est le plus faible », me dit le Général au Salon doré, après le Conseil.
« Comme toujours, ça traîne ! »
Le Conseil du 20 février 1963 se penche sur les menaces d'inflation.
Giscard : « Il faut prendre des mesures rigoureuses contre la hausse à la fois des prix agricoles et des tarifs des entreprises nationales. Ça n'ira pas sans criailleries. Aux yeux des organisations agricoles, les interventions doivent se faire quand les prix descendent au-dessous du prix qu'elles souhaitent, jamais quand ils grimpent au-dessus.
GdG. — Ces organisations sont faites pour soutenir les revendications de leurs mandants. Ce sont des féodalités. L'intérêt général n'est pas leur affaire. Elles considèrent que c'est leur devoir d'empêcher que les prix baissent ! Le BAPSA 1 ... »
Pompidou et Giscard, sentant venir l'orage, coupent la phrase en même temps : « Sa réforme est en cours.
GdG. — Comme toujours, c'est en cours et ça traîne ! On ne comprend pas pourquoi ça n'a pas été fait plus tôt.
Giscard (essayant de dévier la balle). — Le réseau moderne d'implantation des abattoirs et de distribution de viandes doit permettre de faire baisser les prix.
GdG. — Et alors, pourquoi ce n'est pas le cas ? Toujours les féodalités, l'inertie des ministères qu'elles ont investis et qui n'osent pas s'opposer à elles.
Bokanowski. — Pour les produits pétroliers, nous avons obtenu des baisses de prix assez fortes ces dernières années. Malheureusement, les frets remontent.
« Les syndicats accélèrent la spirale inflationniste »
GdG. — Quand le fret remonte, on augmente les prix ; mais quand il baisse, on ne les diminue jamais ! Les compagnies pétrolières sont comme les organisations agricoles : seuls comptent leurs intérêts catégoriels. Sans l'État, personne ne se soucierait de l'intérêt général !
« Quand il y a un hiver rude, ce qui est le cas, il entraîne un supplément de consommation, d'où des bénéfices inespérés pourles pétroliers. Ils peuvent donc faire un effort ! Je vous parie que les mesures prises en 1956 pour permettre aux pétroliers de ne pas souffrir des conséquences de l'opération de Suez sont toujours en vigueur !
Grandval. — Je suis heureux de l'action qui se dessine contre l'inflation et pour la stabilité des prix, mais ne vous dissimulez pas que les syndicats sont obligés de se livrer à une certaine démagogie. Sinon, ils perdraient toute audience.
GdG. — Je ne conteste pas l'utilité politique des contacts avec les syndicats. Il est normal que tous ceux qui ont des attributions dans le domaine économique et social aient des relations avec les responsables de l'économie et du travail... Je n'y vois aucun inconvénient, bien au contraire. Les syndicalistes sont estimables quand ils se battent pour faire valoir les droits de leurs mandants. Mais leur combat est dangereux pour l'État et pour la nation, dès qu'ils prétendent exiger et commander ! Ils constituent un État dans l'Etat ! Alors, il ne faut pas se monter le coup, ça ne diminue en rien la
Weitere Kostenlose Bücher