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C'était De Gaulle - Tome I

C'était De Gaulle - Tome I

Titel: C'était De Gaulle - Tome I Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Alain Peyrefitte
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contre de l'or. Mais je suis sûr qu'un jour, ils mettront fin à ce mythe ; le dollar cessera d'être convertible en or. On verra alors que les Américains prétendront substituer l'étalon-dollar à l'étalon-or 5 . On s'apercevra qu'ils veulent étendre leur hégémonie sur le monde entier. Le bandeau tombera des yeux des Européens. On verra la loi du plus fort s'imposer brutalement. Il dépend de nous, les Européens, que les Américains ne soient pas les plus forts. Encore faut-il qu'il y ait des Européens, et qu'ils soient décidés à ne pas se coucher. Ce qui n'est pas évident. »

    « On nous a eus »
    Le 27 décembre 1962, Pompidou, pour répondre aux inquiétudes manifestées par le Général, réunit un Comité restreint à Matignon sur les prix.
    Pompidou : « Les prix montent avec une régularité inquiétante. L'indice devrait sauter en janvier. »
    En face du Général, Pompidou se fait rassurant ; hors de sa vue, il se fait alarmiste — comme si le devoir était, pour lui, de se substituer à l'absent.
    Giscard fait chorus. Il proteste contre la facilité avec laquelle ce problème des prix est traité dans l'ensemble des ministères :
    « C'est un jeu de taquin dans lequel, sans traiter les problèmes au fond, on se soustrait les uns aux autres les avantages acquis. La sidérurgie augmente ses prix pour permettre d'augmenter ses investissements. Mais les avantages qui lui sont consentis disparaîtraient, s'il y avait une hausse des tarifs de la SNCF. On cherche la substance économique ailleurs, toujours ailleurs. On essaie de prélever sur les comptes d'exploitation des autres. Telle est la situation absurde où nous sommes. Il faut en sortir !
    Jacquet. — Il ne faut pas se faire d'illusions, on n'en sortira pas comme ça, en soufflant dessus. Il faut reconnaître que les tarifs de la RATP et de la SNCF sont inférieurs de 30 % au coût de revient. De plus, il y a une augmentation générale des tarifs chez nos voisins. Ce n'est pas anormal que ce soit le cas chez nous ! »
    Bokanowski argumente pour la réévaluation du prix de vente du charbon. (« le veto pourrait bien provoquer une explosion chez les mineurs », dit-il sans éveiller une attention particulière). Ilplaide aussi pour l'augmentation des tarifs de l'électricité ; Marette, pour celle du timbre ; Maziol, pour celle des loyers.
    Pompidou : « Vous êtes bons, tous, tant que vous êtes ! "Augmentons mes prix, ça n'aura pas d'incidence sur les autres !" Vous êtes ou roublards, ou naïfs ! Choisissez l'épithète que vous préférez.
    « Il faut que le vin baisse ! Il est inadmissible qu'il augmente, alors que nous ne savons que faire du vin. L'augmentation du prix du lait à cause de la sécheresse est à peine acquise, qu'aussitôt on nous demande de soutenir le stockage du beurre ! On nous a eus ! Quand il n'y a pas assez d'une denrée, les prix grimpent ! Quand il y en a trop, ils continuent à grimper ! »
    L'atmosphère des Comités restreints à Matignon est détendue : d'un bout de la table à l'autre, on s'appelle par son nom ou son prénom, et le cas échéant on se tutoie ; tandis que l'atmosphère des Conseils de ministres est guindée (« Monsieur le ministre de l'Économie et des Finances me permettra-t-il de lui faire remarquer... »).
    Poincaré raconte dans ses Mémoires que la seule différence entre les Conseils de cabinet (auxquels le Président de la République n'assistait pas) et les Conseils des ministres (qu'il présidait) consistait en ce qu'on fumait dans les premiers et non dans les seconds. Sous de Gaulle, la différence s'est déplacée : on fume dans les deux cas, mais on ne parle pas dans le même style.
    Pourtant, il est saisissant, dans une réunion interministérielle à laquelle le Général n'assiste pas, de sentir la statue du Commandeur présente derrière chaque ministre. Certains ne parlent qu'en se disant : « Voici ce qu'il faut que je dise pour être dans le sillon qu'il a tracé. » Quelques-uns pensent peut-être : « Si je ne suis pas dans la ligne, je ne ferai pas de vieux os. » Mais je crois bien que la plupart se disent : « De Gaulle a raison. Même dans les questions où il est novice, c'est quand même lui qui voit le plus loin et le plus haut... »
    1 Ministre du Travail dans le premier cabinet Pompidou, membre du MRP.
    2 1962 est la première année d'exécution du IV e Plan ( 1962-1965).
    3 Quelques instants avant l'attentat du Petit-Clamart.
    4 Juste un an après,

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