C'était De Gaulle - Tome I
adopter une position d'ensemble sur les problèmes économiques et sociaux. Les résultats satisfaisants qui ont été enregistrés ne se poursuivront que si le progrès économique sert de support au progrès social. Il faut persévérer dans cet effort national. Pour les prix, il faudra adopter une politique drastique. Il faudra favoriser les investissements par une utilisation du crédit à bon escient. Il faudra encadrer tout cela, qui me paraît un peu flottant. Avant tout, il faut se tenir au Plan.
Pompidou. — L'unique cause de la distorsion créée par la poussée des importations, c'est la poussée des rémunérations.
GdG. — Elle vient elle-même de l'augmentation des prix. Sinon, on pourrait mieux tenir.
Pompidou (de plus en plus sec). — C'est économiquement inexact. »
Jamais encore, il n'avait contré aussi carrément le Général devant vingt-cinq ministres, sans même prendre les formes. Couve veut apporter une note apaisante, pour faire baisser la tension que nous ressentons tous : « Le phénomène de base, c'est la pléthore monétaire. »
Le Général tire argument de cette remarque pour reprendre sa critique : « Il y a une masse d'argent flottant qu'il faudrait utiliser et investir. »
Pompidou, qui décidément se rebiffe : « Mais les affaires ne vont pas à vau-l' eau ! Il y a beaucoup d'argent en France. L'afflux d'argent étranger est un facteur d'inflation. Cet argent ne s'investit pas.
GdG. — Il faut instituer une psychologie d'épargne !
Pompidou. — La mesure la plus efficace est d'abaisser le taux d'intérêt, de manière à décourager l'afflux d'argent.
GdG (qui se rend compte qu'il est allé un peu fort et qui veut apaiser Pompidou, visiblement vexé dans sa fierté de Premier ministre efficace, et particulièrement compétent en matière économique). — Je ne pense pas que les affaires aillent à vau-l' eau, mais il va quand même falloir reprendre les choses en main. »
À la sortie, Pompidou me dit : « Gardez-vous, évidemment, de parler aux journalistes de ma passe d'armes avec le Général. Mais j'en ai assez de ces conseillers techniques ou occultes, de l'intérieur ou de l'extérieur, qui lui montent la tête contre moi et mon gouvernement. Que Rueff 1 garde ses conseils pour lui ! » '
Il y a quelques semaines encore, il aurait dit : « le gouvernement et moi. » La victoire du référendum et des législatives qui ont suivi, c'est dans une large mesure sa victoire. Il le sait. Il sait que de Gaulle le sait. Le pouvoir l'a changé. Il n'est plus le Premier ministre de transition, l'amateur amusé au milieu des professionnels tendus, l'interprète transparent du Général. Il a pris de l'épaisseur. Le chef du gouvernement, ce n'est plus de Gaulle, qui me disait l'être, voilà neuf mois à peine ; c'est lui.
« Il faudra faire un plan de stabilisation »
Au Salon doré, après le Conseil, le Général me dit : « Il faut se tenir au Plan. Il a été élaboré avec l'accord de tous. Tout le monde y a contribué. Il tient compte de tous les intérêts. Il réglemente et encadre notre progrès. Il ne faut pas nous en éloigner d'un pouce. Il va falloir y revenir strictement. Ne le dites pas encore, mais il faudra faire un plan de stabilisation. »
Maints commentateurs ont cru que le « plan de stabilisation » n'était né que dans l'été 1963. Quelle erreur ! Il est dans la tête du Général depuis le début de l'année, le nom compris.
« Il faut créer une mystique du Plan »
Le Conseil du 16 janvier 1963 crée la délégation à l'Aménagement du territoire et à l'action régionale, la DATAR.
GdG : « L'aménagement du territoire, c'est une grande affaire, il est indispensable qu'elle soit liée au Plan. N'oubliez jamais le Plan 2 . Et quid des chevauchements ? La direction de l'Aménagement du territoire du ministère de la Construction ne fera-t-elle pas double emploi ?
Maziol. — Non. Ce n'est désormais plus que la direction de l'Aménagement foncier.
GdG. — Et quid du double emploi entre l'Aménagement du territoire et le District de Paris ?
Pompidou. — L'Aménagement du territoire s'occupera de la province, et le District, de la région parisienne. L'élan est donné à la vie économique par le Plan. La DATAR assure la réalisation des objectifs du Plan au point de vue de l'aménagement du territoire.
Giscard (qui a vu le point sur lequel insistait le Général, à savoir le lien avec le Plan, saisit la balle au bond). —
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