C'était De Gaulle - Tome I
Des propos alarmistes ont été tenus. Il faut les rattraper.
GdG. — Je décréterai la réquisition. Il faut le faire savoir. Pas tout de suite, certes ! Il faut donner un répit aux syndicats. Mais il faudra publier nettement ce qui est offert aux mineurs, et qui est loin d'être rien. N'oublions pas que le Plan doit guider toute notre politique économique. Il faut y ramener tout le monde, y compris les mineurs. (Il se tourne vers moi.) Insistez pour dire que ça leur fait au minimum 8,02 % d'augmentation garantie pour l'année, sans préjudice d'un réajustement en septembre. Et soulignez que les conséquences d'un hiver rigoureux justifient une surveillance accrue des prix et des salaires. »
« Si le Président ne donne pas suite, c'est qu'il n'a rien décidé ! »
Après le Conseil, le Général écarte l'idée, dont il m'avait parlé, de s'adresser au pays sur les affaires économiques. Il songeait alors à mettre en garde contre l'inflation. Mais, avec cette grève, les circonstances ont changé :
« Ce n'est pas mon rôle de faire de l'économie pour le plaisir de faire de l'économie. Je ne peux m'occuper de ce domaine que s'il y a péril. Il n'y a pas péril et ce serait, au contraire, faire naître le péril que de m'en mêler moi-même inopportunément. Il suffirait que l'on annonce que je vais parler sur les prix un jour précis, pour que les margoulins augmentent leurs marges bénéficiaires, pour que les paysans gardent leurs vaches, pour que les ménagères remplissent leur panier et fassent des stocks par crainte de la vie chère. Alors, pour le moment, je me réserve. »
Le Général a suivi la même évolution que Pompidou. Celui-ci devait parler dès mercredi et y a renoncé en voyant que son discours conférerait au conflit avec les mineurs une importance plus grande que souhaitable. Est-ce le Général qui a influencé Pompidou, ou Pompidou qui a influencé le Général ? Je croirais plutôt à la seconde hypothèse. Mais le Premier ministre a tellement la religion du secret, pour tout ce qui touche ses relations avec le Général, qu'il ne me le dira pas.
AP : « Peut-être, dans une semaine ou deux, pourra-t-on dire, si les prix commencent à baisser, que le Président de la République ne donne pas suite à son intention de parler sur les prix, du fait que les choses rentrent dans l'ordre.»
Aussitôt, je me rends compte de la bourde que j'ai commise. Le Général ne me loupe pas et me donne une jolie leçon : « Non, il ne faut pas dire cela, vous ne le direz jamais ! Le Président de la République donne toujours suite à ce qu'il a décidé, et s'il ne donne pas suite, c'est qu'il n'avait rien décidé ! »
« La roue tourne en permanence »
Au Conseil des ministres du 6 mars 1963 , les visages sont soucieux.
Bokanowski : « À aucun moment, je ne me suis départi d'une attitude courtoise envers les syndicats. Je leur ai serré la main, je ne les ai pas menacés ni maltraités, nous n'étions pas encadrés de policiers : tout ce qu'on a dit ou écrit est de l'affabulation. Je leur ai même offert des cigarettes.
« La réquisition prend effet à compter du 5 mars 2 . La réquisition des cokeries a été suivie au début dans son ensemble, mais la situation se dégrade, les requis disparaissent.
« La réquisition des Houillères n'a pas été suivie d'effet. Il faut pourtant empêcher des arrêts mortels pour certaines industries (pour les glaceries, il faut six mois pour remettre l'outil enmarche). Les hôpitaux sont prioritaires. Il faudra supprimer certains trains de voyageurs et inciter au ralentissement de la production.
GdG. — C'est un sujet très important, très brûlant... malgré le manque de charbon. »
Il a essayé une plaisanterie, a vu qu'elle ne faisait pas sourire, n'en a pas souri lui-même.
Grandval : « La situation s'aggrave. Le gouvernement devrait faire preuve de modération et de compréhension. Il faut montrer que la réquisition n'est pas dirigée contre les mineurs, mais pour les besoins énergétiques du pays après un hiver rigoureux. Le gouvernement attend que soit repris l'indispensable dialogue.
Jacquet. — II y a un malaise profond. Il ne faut pas porter atteinte à l'autorité du gouvernement. Si on n'a pas réussi à mettre rapidement un terme à cette affaire, les syndicats de la SNCF se solidariseront.
Triboulet. — Il faut être publiquement ferme, mais clandestinement négocier avec les "jaunes" (il ajoute, pour atténuer:
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