Bücher online kostenlos Kostenlos Online Lesen
C'était De Gaulle - Tome I

C'était De Gaulle - Tome I

Titel: C'était De Gaulle - Tome I Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Alain Peyrefitte
Vom Netzwerk:
convaincu. Cela peut durer plus ou moins, comme toutes les épreuves. Mais rien ne serait pire qu'une capitulation de De Gaulle devant les mineurs.
    « Cette grève se prolonge. Je l'avais prévu. Elle ne sera pas la seule. Nous aurons d'autres histoires avec les cheminots, avec EDF ; ou plutôt, nous les aurions à coup sûr, et sans attendre, si nous cédions. Mais le sentiment public n'y est pas. Ce ne sont pas des grèves de misère. Ce n'est plus Germinal. Pourquoi me dépenser en menue monnaie, sans profit, dans d'obscures disputes avec Marcel Paul, que je connais bien, avec les cheminots, etc. ? Non, ça n'aurait pas de sens !
    Grandval. — Nous n'en sommes pas encore au point où nouspourrions envisager qu'il suffirait de jeter votre poids dans la balance. Votre arbitrage ne serait peut-être pas encore entendu.
    GdG. — À l'heure qu'il est, il serait trop commode de ne pas l'entendre. Les conditions ne sont pas réunies.
    « Il faut que nous aidions l'évolution des esprits. Il faut faire un effort d'analyse, qu'on devrait confier à une personnalité étrangère au gouvernement. Le moment n'est pas loin où une intervention de ce type pourrait porter ses fruits. (Il ne s'étend pas, mais Pompidou, dans quelques instants, nous précisera ce dont il retourne.)
    « Nous avons connu des affaires de paysans qui ne suscitaient pas la même émotion, mais qui étaient en fait plus sérieuses. Les désordres étaient plus dispersés, mais en réalité plus importants. Il y a cent quatre-vingt mille mineurs et quatre millions de paysans. Leurs crispations étaient au moins aussi justifiées que celles des mineurs, et plus profondes. L'angoisse, la colère étaient là. Les paysans constataient leur situation moyenne, par rapport à la situation des autres catégories. Il en est résulté un mouvement considérable et souvent violent. Mais la presse peut faire de la sensation sur les mineurs. Elle ne peut pas en faire sur l'agriculture. Les paysans n'ont pas eu leur Zola.
    « Tout le monde disait, à commencer par nos amis (il veut dire : les "compagnons" ; mais, en présence de ministres dont la moitié ne sont pas des "compagnons", il n'use pas de ce terme, réservé aux gaullistes d'obédience) : "Il faut que vous interveniez, sinon cette masse paysanne va vous renier, vous détester". La querelle a duré longtemps, elle n'est pas résolue, mais le plus fort a été fait et la crise a été atténuée. Je n'ai pas constaté le moindre changement sentimental dans les campagnes. »
    Le Général sait que la paysannerie souffre des mutations que l'époque lui impose. Il remarque qu'elle souffre, en silence ou en violences, dans l'indifférence de la nation. J'observe qu'il est le seul à faire la comparaison : pour lui, les mineurs souffrent moins ; ils bénéficient pourtant d'un soutien disproportionné, et en somme anachronique, de la presse et de l'opinion.

    « Je n'inclinerai pas l'intérêt général devant un intérêt particulier »
    GdG : « Les mineurs de fer ne sont pas dans une situation pitoyable. Si leurs revendications étaient absolument justifiées, auraient-elles mis en mouvement seulement 2 000 manifestants pour venir se pavaner sur l'esplanade des Invalides, dont 1 000 mineurs, et 1 000 qui ne le sont pas mais ont été fournis par les municipalités communistes de Pantin, de Choisy-le-Roi, d'Aubervilliers ? Je ne le crois pas.
    « Je n'inclinerai pas l'intérêt général devant un intérêt particulier. Si je le faisais dans cette crise pour la première fois de ma vie, tout serait emporté.
    Giscard. — Certes, notre arme, c'est la défense de l'intérêt général. Mais cet intérêt général, l'opinion publique n'en a pas conscience. On n'a pas essayé de le lui faire comprendre. Tout le monde s'accorde sur le diagnostic, mais il ne pénètre pas dans la conscience française. Il est nécessaire de procéder à une stabilisation des prix et des salaires, pour montrer à l'opinion cet intérêt général.
    GdG. — Le traité de la CECA est absurde, inapplicable. Il a été fait par des fumistes. Peut-on s'attendre à ce que des organisations agricoles acceptent des dispositions pareilles pour notre agriculture ? »
    Cette observation a l'air de tomber comme un cheveu sur la soupe. Mais elle se relie à une pensée maîtresse du Général. Les paysans, c'est beaucoup plus grave que les mineurs. Notre problème agricole ne peut se résoudre que si nous obtenons qu'il soit pris en compte

Weitere Kostenlose Bücher