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C’était le XXe siècle T.3. La guerre absolue

C’était le XXe siècle T.3. La guerre absolue

Titel: C’était le XXe siècle T.3. La guerre absolue Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Alain Decaux
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qui, n’ayant pas suivi les faits divers de la presse française, ignore totalement qui est Petiot. Simonin qui, lui, est resté en France durant l’Occupation le lui explique. Mais il s’agit là d’une affaire de droit commun qui ne concerne pas la sécurité militaire et le colonel ne veut rien accepter. Il ne va pas tarder à changer d’avis lorsque l’indicateur précise qu’il fait partie de l’équipe “d’action” du capitaine Valéri (alias Petiot) et que c’est celui-ci qui organise les opérations de pillage, éventuellement accompagnées de meurtres dont s’est si violemment ému le général de Gaulle. On revient donc au cœur du sujet et, dans ces conditions, un marché est immédiatement conclu : le caporal R. sera laissé en liberté provisoire jusqu’à ce qu’il ait fourni le moyen d’arrêter Petiot. »
    Nouveau dialogue qu’a bien voulu me rapporter le capitaine Simonin. Laissé en présence du caporal R., il tâche de se faire expliquer les raisons de l’incroyable accueil qui lui a été réservé à la caserne de Reuilly. Il tâche de comprendre :
    — Mais qu’est-ce que c’est que ces gens-là ? À Reuilly, quel est le rang de Petiot ?
    — Chef du Deuxième Bureau.
    — Ce qui le plaçait après qui ?
    — Immédiatement après le commandant Raffy.
    — Qui est ce Raffy ?
    — Un communiste, bien sûr. C’est lui qui m’a fait entrer à la caserne. Mes parents le connaissaient. Raffy est un chauffeur routier qui travaillait pour eux.
    — Toi aussi tu es membre du parti ?
    — Bien sûr que non. Je suis rentré là-dedans parce que je ne m’entends pas avec mes parents.
    — Est-ce que tu sais comment Petiot a pris contact avec Rafïy ?
    — Oui. C’était un matin. Il a discuté avec Raffy un bon moment. L’après-midi, il était déjà capitaine et chef du Deuxième Bureau.
    — Mais Raffy savait qu’il s’agissait de Petiot ?
    — Bien sûr. Il ne s’en cachait pas.
    Simonin peut légitimement se demander pourquoi le caporal R., providentiellement remis en liberté le matin même par ses amis communistes, est venu se jeter dans la gueule du loup. Le jeune homme s’explique : il n’a pas participé à la séance de torture, il n’était que le chauffeur de l’expédition et il est resté au volant de la voiture. Ensuite, il se veut lucide : l’appareil d’une véritable justice se mettra bientôt en place et il n’échappera pas à l’inculpation pour vol et assassinat. Selon sa propre expression, il se « retrouvera au placard ». Par contre, s’il est à l’origine de l’arrestation du plus célèbre des assassins, il s’assurera l’impunité. C’est une carte à jouer. Il l’avoue. Il faut dire que, provisoirement, il semble avoir gagné.
     
    Pour comprendre qu’une situation aussi paradoxale ait pu perdurer plusieurs semaines après la Libération de Paris, pour admettre que, dans la capitale elle-même, plusieurs des officiers responsables d’une caserne aient pu se placer sous l’autorité du parti communiste, il faut se souvenir du climat de l’époque. À peine de retour à Paris, le général de Gaulle a pris conscience que des régions entières en prenaient à leur aise avec le pouvoir de la République. Des pouvoirs locaux se sont institués au sein desquels les communistes jouent presque toujours le rôle principal. Cet état de choses bénéficie d’ailleurs des ravages causés par les bombardements et les actes de sabotage : les transports sont en maint endroit réduits à néant et souvent ils n’existe plus de liaisons téléphoniques. La remise en ordre du pays devient donc, avec la guerre, une priorité pour de Gaulle. Le périple qu’il va accomplir en septembre et en octobre à travers les provinces peut être rangé au nombre des hauts faits que lui a reconnus l’histoire. Sa seule apparition au balcon des préfectures ou des mairies, l’acclamation immense qui partout l’accueille annoncent que le pays est repris en main.
    Les Forces françaises de l’intérieur, qui ont participé à la Libération et qui, maintenant, cherchent ici et là à politiser leurs exploits, sont rappelées à l’ordre : militaires, elles doivent faire la guerre. Reste un grave problème : les Milices patriotiques. Nées du Conseil national de la Résistance dans le but d’assurer l’ordre à la Libération, elles restent armées et les communistes y exercent une autorité prédominante. À l’automne de

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