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C’était le XXe siècle T.3. La guerre absolue

C’était le XXe siècle T.3. La guerre absolue

Titel: C’était le XXe siècle T.3. La guerre absolue Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Alain Decaux
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1944, les Milices patriotiques se comportent comme si elles s’estimaient dispensées d’obéir à l’autorité de l’État. Le 23 octobre, à Maubeuge, deux « collaborateurs » condamnés à mort et graciés par de Gaulle sont exécutés par les Milices patriotiques. L’apprenant, le Général déclare :
    — Voilà qui n’est plus supportable !
    Le lendemain, au Conseil des ministres, Adrien Tixier, ministre de l’Intérieur, annonce la dissolution des Milices patriotiques. Deux ministres communistes siègent au gouvernement : Tillon et Billoux. De Gaulle les regarde bien en face :
    — Messieurs, avez-vous quelque chose à dire ?
    Les deux ministres ont peut-être envie de dire quelque chose, mais ils se taisent. Jacques Duclos, qui dirige par intérim le parti communiste, a donné la priorité au retour en France de Maurice Thorez, condamné pour désertion en 1939 et qui se trouve depuis à Moscou. De fait, Thorez reviendra et sera vice-président du Conseil.
     
    Nous sommes-nous éloignés de Petiot ? En apparence seulement. Il faut ici prendre connaissance du rapport établi, le 31 octobre 1944, par le capitaine Simonin à l’intention du directeur de la Sécurité militaire. Il contient la liste de tout ce qu’on a trouvé lors de la « fouille à corps » de Petiot. Édifiante, cette liste :
un revolver 6,35 mm armé ;
31 780 francs ;
une carte d’adhérent au parti communiste ;
une carte d’identité n° 0836, au nom de Valéri Henri Jean, délivrée par la commune de Villepinte (Seine-et-Oise) ;
une carte d’alimentation au nom de Bonnasseau Virginie, du XIX e arrondissement ;
une carte des Milices patriotiques n° 79, au nom de Valéri ;
une carte de membre de l’association France-URSS n° 29097, au nom de Valéri ;
un ordre de mission au nom de Valéri, délivré par le capitaine Gray et Warnier, 2 e Bureau police, 1 er régiment de Paris, 19 septembre 1944 (Forces françaises de l’intérieur) ;
une carte d’identité de l’Armée française, au nom de Wetterwald, alias Valéri Henri ;
une autorisation temporaire de circuler au nom de Gilbert (demande adressée à la Préfecture de Police) ;
une carte de tabac au nom de M. de Frutos Angelo à Drancy ;
un laissez-passer permanent au nom de Valéri valable pour entrer et sortir de la caserne de Reuilly ;
une attestation du colonel Bourgoin, commandant le Dépôt Est certifiant que le sous-lieutenant Wetterwald, capitaine FFI, était passé dans la commission de révision des grades ;
un ordre de réquisition en blanc émanant des FFI Île-de-France ;
une carte d’identité d’officier FFI au nom de Valéri ;
un passeport au nom de Cacheux René ;
deux photographies du nommé Petiot ;
une lettre en date du 27 octobre 44 du commandant Raffy, chef du SR, caserne de Reuilly ;
trente-trois papiers, que j’ai numérotés de 1 à 33 inclus.
    Tout indique que Petiot, ayant définitivement choisi son camp, a voulu mettre tous les atouts dans son jeu. Il est membre du parti communiste, des Milices patriotiques et de l’association France-URSS.
    Le lecteur imagine ici qu’il ne devait pas être très difficile, à la Libération, d’adhérer au parti communiste. On peut penser en effet que celui-ci recrutait, comme on dit, à tout va. En le croyant, on se tromperait gravement. Du fait des victoires de l’Armée rouge et du travail accompli dans la Résistance par les communistes, il bénéficie d’une popularité incontestable. Pour autant, il ne dévie pas de ses habitudes. La méfiance est de règle quant aux risques d’infiltration dans le parti. Au moment d’une adhésion, on se livre à une enquête approfondie. Il n’est pas question qu’un inconnu reçoive sa carte du jour au lendemain. Il en sera différent si le candidat se présente comme un ancien militant.
    N’oublions pas que Petiot s’est trouvé alors en cellule avec des communistes et que cela a duré de longs mois. N’oublions pas qu’il est doté d’une mémoire infaillible. Quand il se présente à Reuilly, il sait que les Allemands ont emporté le fichier du parti communiste. Quand il déclare qu’il est un ancien adhérent, il sait aussi que Raffy est dans l’impossibilité de contrôler. Avec cette aisance extraordinaire que l’on a toujours constatée chez lui, Petiot ne s’est troublé à aucun moment. Il a exposé l’organigramme du parti, a cité des noms, des références. Il a emporté la conviction de Raffy.

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