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C’était le XXe siècle T.3. La guerre absolue

C’était le XXe siècle T.3. La guerre absolue

Titel: C’était le XXe siècle T.3. La guerre absolue Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Alain Decaux
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qu’ils ne se rendront pas. Le commander Collet, qui était récemment à bord du croiseur Dunkerque , partage cette opinion. »
    Il a raison. Au moment où North l’a quitté, Gensoul ne veut pas envisager de reddition, ceci pour une simple raison : il n’imagine pas que les Anglais lui demanderont de se rendre.
     
    Le sillage de la vedette qui emmène North est encore visible lorsque l’on apporte à Gensoul un message de Darlan « précisant sa pensée au sujet des clauses de l’armistice ». Ce texte apparaît si important pour la compréhension du drame qu’il faut en prendre connaissance dans son intégralité :
    « 1° Les navires de guerre démobilisés doivent rester français avec pavillons français, équipage réduit français, séjournant dans un port français, métropolitain ou colonial ;
    « 2° Des précautions secrètes d’auto-sabotage doivent être prises pour que ennemis ou étrangers s’emparant d’un bâtiment par force ne puissent s’en servir ;
    « 3° Si la Commission d’armistice chargée d’interpréter les textes en décide autrement que dans le 1 er paragraphe, les navires de guerre doivent, sans nouvel ordre, soit être conduits aux États-Unis, soit sabordés s’il ne peut être fait autrement pour les soustraire à l’ennemi. En aucun cas, ils ne doivent être laissés intacts à l’ennemi. Les navires réfugiés à l’étranger ne devront pas être utilisés à des opérations contre l’Allemagne ou l’Italie sans un ordre portant, pour l’authentifier, la signature de Xavier 377. »
    Ainsi Darlan persiste et signe. De quoi tranquilliser davantage encore Gensoul. À Mers el-Kébir, son escadre est totalement à l’abri d’une entreprise allemande ou italienne.
    On lui demande de prendre des dispositions de sabordage ? Il a déjà obéi. Dans son message à l’Amirauté britannique, North en donnera très honnêtement acte : « Toutes mesures ont été prises à bord des bâtiments de la Force de Raid pour le sabordage et le sabotage de tout le matériel. » De même, il regrettera que « le discours de Sir Winston ait fait planer une ombre de méfiance sur [mes] conversations avec Gensoul ».
    On a prescrit à Gensoul de désarmer ? Il désarme. Cela signifie qu’il faudra passer d’une possibilité d’appareiller en quatre heures et demie à une autre de six heures. Néanmoins Gensoul ne se hâte point. Les réservoirs de mazout sont pleins. On peut répliquer à tout instant à une attaque aérienne ou à l’agression d’un sous-marin. En permanence, une vedette et un chalutier surveillent la passe.
    Or, le 3 juillet, à 6 h 45, le sémaphore de la côte signale que, devant Mers el-Kébir, un torpilleur anglais, le Foxhound , a pris position. De son bord clignote un message optique. Le commandant Holland demande l’autorisation de se présenter en rade. Simple détail : Foxhound signifie « chien courant pour la chasse au renard ».
    Averti par le capitaine de vaisseau Danbé, chef d’état-major, Gensoul passe sur la plage arrière pour découvrir aussitôt le Foxhound , à un mille de là, stoppé et continuant à transmettre des signaux optiques. L’amiral n’a pas de mal à constater qu’il émet en clair et en anglais. Ce commandant Holland, Gensoul le connaît. Attaché naval de Grande-Bretagne à Paris, il n’a cessé de proclamer son attachement à la France. Sa francophilie était d’autant moins mise en doute qu’il parlait un français parfait. Qui plus est, il arborait volontiers le ruban de la Légion d’honneur.
    C’est une double question que se pose aussitôt Gensoul : pourquoi ce torpilleur britannique ? Pourquoi Holland ?
    À la même heure, le matelot Rudy Cantel, du haut des six cents mètres du djebel Murdjadjo, regarde toujours la mer. Le soleil chasse au large d’ultimes lambeaux de brume. C’est alors que lui et ses camarades aperçoivent une énorme flotte anglaise qui glisse vers les côtes. Commentaire immédiat de Cantel :
    — Va y avoir de la bagarre, voilà les Anglais qui partent à la recherche des Italiens !
    Depuis plusieurs jours, n’annonce-t-on pas une grandiose bataille entre les flottes ennemies de Méditerranée ? Erreur. La flotte britannique n’a nullement pour mission de porter la mort parmi les Italiens. C’est la reddition de la flotte française de Mers el-Kébir qu’elle vient exiger.
     
    Puisque le Foxhound est là, il faut lui répondre. Gensoul va en charger

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