C’était le XXe siècle T.4. De Staline à Kennedy
reprennent avec entrain :
— Vive de Gaulle !
Léon Delbecque est-il arrivé à ses fins ? Beaucoup d’observateurs le pensent. Alger vient de basculer en faveur de De Gaulle. Un pas immense a été accompli.
Il ne suffit pas d’en appeler à de Gaulle. Il faut qu’il réponde à cet appel. Or, depuis le 12, le Général demeure dans l’expectative. Il a pris très au sérieux l’avertissement du général Ely au gouvernement sur la situation en Algérie et observe le déroulement des événements avec une attention extrême. S’il y avait eu insurrection, coup d’État militaire, putsch, pronunciamento, si du sang avait coulé dans les rues d’Alger ou de Paris, jamais il n’aurait accepté de revenir. Ce qu’il perçoit est tout autre.
De Gaulle va donc répondre. Son communiqué plonge le monde politique tantôt dans la stupeur, tantôt dans la colère. Il est daté du 15 :
Naguère, le pays, dans ses profondeurs, m’a fait confiance pour le conduire jusqu’au salut. Aujourd’hui, devant les épreuves qui montent de nouveau vers lui, qu’il sache que je me tiens prêt à assumer les pouvoirs de la République.
Qui, s’il est en âge de se souvenir, ne se rappelle cette dernière phrase et l’effet prodigieux qu’elle a produit ? Guy Mollet, furieux, brandit le texte dans le couloirs du Palais-Bourbon :
— On n’est pas plus bête, plus maladroit !
Les communistes se déchaînent. Pour eux, la dictature est aux portes de la République. Quant au général Ely, confirmant qu’il ne donnerait pas un homme contre l’armée d’Afrique, il démissionne. Du coup, le général de Beaufort, son bras droit, se jette à fond dans le plan Résurrection. Les contacts pris préalablement sont confirmés. Les mouvements prévus – notamment ceux des chars – peuvent désormais se produire d’une heure à l’autre.
La déclaration de De Gaulle a été entendue en Algérie avec une sorte de bonheur émerveillé :
— Il a répondu ! disent et redisent Delbecque et Neuwirth.
Il semble que le mouvement soit légitimé mais, pour le porter sur les fonts baptismaux, Delbecque sait bien qu’un homme manque : Soustelle. Après l’investiture de Pflimlin, celui-ci a cherché à quitter Paris. Impossible. Surveillé de nuit et de jour, il reste prisonnier dans la capitale. Ses amis parviendront à le faire évader en le cachant à l’arrière d’une voiture, sous une couverture, ceci à la barbe d’une police dont il est possible qu’elle ait volontairement fermé les yeux.
Soustelle passe par la Suisse, où le général Guillain de Bénouville le prend en charge, et surgit, le 17 mai, à Alger. Il est accueilli, dans la Ville blanche, comme un demi-dieu. Il reprend son slogan, répète sans cesse le mot intégration qui, cette fois, semble ravir tout le monde. Le général Cherrière arrive enfin à son tour à Alger. Son heure est passée. Personne ne semble même se rendre compte qu’il est là.
Ce sont les grandes heures de la fraternisation. Musulmans et Européens défilent côte à côte, chantent et pleurent. Le « Français de souche » Massu et le musulman Sid Cara président conjointement le Comité de Salut public.
Alger regarde vers Paris – qui regarde du côté d’Alger. Paris où l’on attend le grand saut des paras de Massu et une réponse du gouvernement à de Gaulle – qui se tait. En fait, Alger ne suffit pas au général. Il veut aussi Paris. Il sait que la majorité gouvernementale n’est pas prête à accepter son retour. Combien de temps ce jeu du chat et de la souris va-t-il durer ?
Le 19, de Gaulle décide de brusquer les choses. Il annonce une conférence de presse. Ce jour-là, à 15 heures, le monde entier a les yeux fixés sur le palais d’Orsay. Journalistes français et étrangers se bousculent. Sont en place les micros de toutes les radios, les caméras de toutes les firmes d’actualités. Cette conférence de presse sera retransmise partout, même en Amérique.
De Gaulle apparaît. Mauriac dit à son fils :
— Il a bien vieilli !
Et une journaliste américaine :
— Ah ! il a grossi !
Il est en civil. Paraissant son âge, certes, mais offrant une apparence peut-être plus solide que naguère, montrant une force plus évidente. Un instant, les projecteurs des actualités, trop violents, l’éblouissent. Il marque un temps d’arrêt. Il s’assied. Il parle :
— Le moment m’a semblé venu où il pourrait
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