C’était le XXe siècle T.4. De Staline à Kennedy
finit par appeler la Maison-Blanche. On lui répond que le président ne peut être joint. L’aide de camp Clifton se contente de déclarer :
— D’ici, je ne peux juger votre situation. Faites ce qui vous paraît approprié. J’aviserai le président aussi vite que possible.
Watson décide d’attendre. Peter Fechter, lui, ne peut suivre cet exemple. À 15 h 15, c’est un cadavre que six Vopos est-allemands enlèvent du no man’s land . Watson rappelle la Maison-Blanche :
— Le problème est résolu.
Jusqu’au soir, la foule scandera : « Assassins ! »
Dans les deux Berlin, on traverse plusieurs jours de grave tension. Soldats russes molestés à l’Est ; manifestations à l’Ouest ; assauts tentés contre le Mur et brisés par les policiers de Brandt ; tout cela prendra fin.
Certes, on acclamera Kennedy quand, devant le Mur, il s’écriera : Ich bin ein Berliner (je suis un Berlinois). Ceux qui crieront le plus sauront bien qu’il s’agit de belles paroles.
Franchir le Mur, c’est donc risquer la mort ou, si l’on est repris, de longues années de prison. Des filières ne sont pas moins mises en place, telles que celle créée par le coureur cycliste Harry Seidel qui fait passer à l’Ouest – notamment par des tunnels creusés sous le Mur – des dizaines d’Allemands de l’Est. Découvert, il a été condamné à la prison perpétuelle. D’autres, devenus passeurs « professionnels », réclament des sommes considérables.
L’un de ceux-ci, M. Schulz, m’a confié au cours de l’été 1982 :
— Depuis 1961, je vais chercher des gens dans les pays de l’Est pour les ramener à Berlin-Ouest. Jusqu’à présent, tout s’est assez bien passé, et la reconnaissance de ces gens-là est, bien entendu, en proportion de l’aide que je leur apporte. Avec de faux passeports et d’autres moyens, j’ai toujours pu jusqu’à présent les ramener ici. Depuis que ce mur a été construit, le devoir de chaque Berlinois est d’aider les gens de l’autre côté. C’est ce que j’ai pensé pour ma part. Personne n’a pu abolir le Mur. Alors, je continue mon travail, et je ramène ces gens ici.
Un autre passeur, M. Kästner :
— Vous savez, de l’autre côté, le système est très sévère. La vie n’est pas facile pour les gens. Celui qui veut acheter un aspirateur doit attendre un an. Quelquefois on trouve des tomates et, ensuite, il n’y en aura plus pendant des mois. Si quelqu’un veut acquérir une voiture, il doit attendre presque dix ans avant d’en avoir une. Aujourd’hui, ce sont surtout les médecins qui viennent. La police, à l’Est, est très vigilante. Les moyens de gagner l’Ouest sont donc devenus plus compliqués et aussi plus chers. Ce sont surtout les personnes qui ont fait des études universitaires qui peuvent se payer l’évasion, mais nous avons aussi connu des ecclésiastiques qui voulaient quitter l’Est, nous avons eu beaucoup de Polonais, et aussi des Roumains. Nous ramenons des gens de Roumanie pour le compte d’une organisation d’émigrants roumains qui a son siège à Paris. Je dois ajouter que notre métier, notre travail, ici à l’Ouest, n’est pas bien vu par les autorités. Nous devons donc nous cacher des autorités de l’Est, mais aussi des autorités de l’Ouest.
La plupart des histoires d’évasion sont émouvantes ou dramatiques. C’est à l’automne de 1964 que se situe celle du tunnel de Berlin-Wedding.
Des étudiants de Berlin-Ouest – certains arrivés depuis peu de l’Est – sont demeurés en relation avec des camarades d’au-delà du Mur. Comment les faire passer ? La tactique adoptée se révèle d’une folle audace. Ils louent un appartement, 97, Bernauerstrasse, au rez-de-chaussée, juste en face du Mur. En tant que locataires, ils prennent possession de la cave qui leur a été attribuée. Elle se trouve à côté de celle d’une boulangerie désaffectée : promesse de tranquillité. Le dessein des étudiants est de creuser, en partant de cette cave, un tunnel de 150 mètres de long, sous le Mur. Ils savent déjà où ils doivent déboucher : dans une autre cave à l’Est, 55, Strelitzerstrasse.
Première étape de ce travail de titan : creuser un puits dans la cave jusqu’à une profondeur de 14 mètres. À 12 mètres, ils trouvent de l’eau. Le puits menace de s’effondrer. Pour l’étayer, ils arrachent des poutres au plancher et au plafond de leur appartement, scient
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