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C’était le XXe siècle T.4. De Staline à Kennedy

C’était le XXe siècle T.4. De Staline à Kennedy

Titel: C’était le XXe siècle T.4. De Staline à Kennedy Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Alain Decaux
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n’aura bu autant de bière. Les bouchons de bouteilles de Sekt jonchent les chaussées et les trottoirs. «  La plus grande fête de rue de l’histoire du monde . »
    Le long du Mur, des jeunes gens armés de haches en détachent des morceaux : futures reliques que les étrangers survenus par pleins avions commencent à négocier. Les premiers visiteurs sont arrivés à pied. Le samedi, les premières traban – les moins chères des voitures de l’Est – font leur apparition et leurs pétarades suscitent à l’Ouest un rire homérique.
    Surprise : ces gens de l’Est, en majorité, ne souhaitent pas s’éterniser. Inquiets, ils consultent leur montre. Quand on les interroge, ils expliquent qu’ils redoutent que la mesure soit rapportée. Et si on les empêchait de rentrer chez eux ? Dans les cafés, on ne fait pas que rire, pleurer ou s’enivrer. Des dialogues s’engagent. On compare les niveaux de vie, le pouvoir d’achat des deux marks. Songeur, un de l’Ouest laisse échapper : « M’étonnerait que Kohl soit réélu après tout ça…» Un de l’Est plaide à mi-voix : « On n’est pas des sous-hommes  (119) …» L’aube venue, on se sépare. Chacun rentre chez soi. On répudie les ombres pour garder l’espoir. Trois jours plus tôt, aurait-on pu croire qu’adviendrait l’impossible ?
    « C’est dans les moments de ce genre, a dit un témoin, qu’on a la sensation que, quelque part, un ange a déployé ses ailes  (120) . »

IX

La guerre pour Cuba
    14 octobre 1962
    Celui qui, en Amérique du Nord, n’a pas ressenti le charme de l’été indien ignorera toujours la douceur de vivre. À Washington, ce 14 octobre 1962 – un dimanche –, d’inextricables files de monstres chromés atteints de gigantisme s’élancent sur toutes les routes : pour mieux admirer les splendeurs fauves de l’automne, des milliers de pique-niqueurs en puissance ont choisi d’aller déjeuner à la campagne. La fournaise de l’été – particulièrement éprouvant, cette année-là, dans la capitale fédérale – n’est plus qu’un mauvais souvenir ; le soleil brille sur le Potomac, mais on respire un air vif, tonique. Partout, les jardiniers du dimanche traitent leurs fleurs, tondent leurs pelouses, ou brûlent les premières feuilles mortes.
    Or, au même moment, deux avions survolent l’île de Cuba, d’étranges appareils munis d’ailes immenses – vingt-quatre mètres d’envergure – auxquelles s’accroche un fuselage de quinze mètres seulement. Il s’agit du fameux U-2 , cet avion d’observation qui, tant d’années après, nous apparaît toujours comme une réussite parfaite de la technique américaine, anticipant une longue série aboutissant à l’avion furtif de la guerre du Golfe. Construit par Lockheed, l’ U-2 peut voler à plus de 20 000 mètres et parcourir 6 500 kilomètres en consommant moins de 4,5 tonnes d’essence. À l’altitude très élevée où se meut généralement l’ U-2 , le turboréacteur ne tourne qu’au ralenti. De temps à autre, le pilote consent une accélération ; après quoi l’appareil, comme régénéré, poursuit de plus belle sa course en planant.
    Impossible de ne pas penser à l’aigle dont la légende a célébré le regard à l’acuité sans pareille. Mais qu’est-ce que l’œil de l’aigle comparé à celui de l’ U-2  ? À la partie inférieure du fuselage s’ouvrent sept hublots, derrière chacun desquels est placé un appareil photographique dont l’objectif est capable, à 20 000 mètres d’altitude – et davantage – de différencier un as de trèfle d’un as de cœur ou de lire distinctement le titre d’un journal. Ce n’est pas tout : « Des filtres d’objectifs spéciaux pouvaient accomplir des prouesses comme, par exemple, distinguer entre le véritable vert de la chlorophylle et le vert artificiel d’une peinture de camouflage. » Les appareils disposent aussi d’un équipement qui permet de révéler « les contours identifiables d’objets déplacés avant un survol ». C’est ainsi que, si l’on photographie une piste ensoleillée, un avion demeuré posé là plusieurs heures auparavant, et qui a été retiré, apparaît comme une ombre noire  (121) .
    Cet U-2 superéquipé emporte en outre un appareil capable d’enregistrer la longitude et la latitude de chaque photographie. Un dispositif permet de conserver la trace de tout signal par radio et aussi de révéler si l’avion a

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