C’était le XXe siècle T.4. De Staline à Kennedy
exploitées par les adversaires de Nikita au Kremlin.
John F. Kennedy, quant à lui, a interdit tout chant de victoire. Il s’est refusé à prononcer aucune déclaration qui attribuât à son gouvernement le mérite de ce qui s’était déroulé. Il a donné instruction aux membres de l’EXCOM de ne pas se plier à des interviews qui leur eussent permis de célébrer le triomphe des États-Unis. On peut, avec André Fontaine, se réjouir que Kennedy, ayant gagné aux points, se soit gardé « contre la tentation de transformer son succès en KO ». Et frémir « en pensant à ce qui se serait passé si, à la place de ces deux jouteurs qui surent, le moment venu, faire prévaloir la paix sur le prestige, s’était trouvé quelqu’un de ces obstinés dont l’espèce ne s’est jamais éteinte quelque part, hélas ! que pour ressusciter ailleurs ».
Robert Kennedy a dit de son frère qu’il respectait Khrouchtchev « d’avoir su déterminer ce qui était dans l’intérêt de son pays et ce qui était dans l’intérêt de l’humanité ». Aux yeux de Bob comme de JFK, « si c’était un triomphe, c’était un triomphe pour la prochaine génération, et non pas celui d’un gouvernement ou d’un peuple en particulier ».
À l’horloge de l’histoire, il était moins cinq. Si la paix s’est en définitive trouvée sauvegardée, c’est parce que, aux leviers de commande des blocs antagonistes, se tenaient, vigilants mais lucides, deux hommes de bonne volonté.
X
Kennedy meurt à Dallas
22 novembre 1963
À 11 h 38, le vendredi 22 novembre 1963, l’avion présidentiel Air Force One se pose à Dallas sur la piste de Love Field. Atterrissage sans défaut. Dans un ciel trop bleu, brille un soleil implacable : celui du Texas. La veille, la météo a annoncé de la pluie et de la brume. Une fois de plus elle s’est trompée. Le thermomètre marque 30° à l’ombre.
L’épouse du maire de Dallas, Elizabeth Cabell – Daisie – s’avance au-devant de Jacqueline Kennedy qui lui, sourit. Une femme de président doit beaucoup sourire – surtout en Amérique. Ce jour-là, Jackie est plus jolie que jamais. Elle qui hait les chapeaux arbore une petite toque rose. Les dames de Dallas – électrices redoutables – ne toléreraient pas que Mrs Kennedy se présente chez elles tête nue. Jacqueline le sait, car une femme de président doit tout savoir. Avant le départ de l’hôtel Texas, à Fort Worth – leur précédente étape – elle a longuement hésité. Mettrait-elle son tailleur rose ou une robe légère sous un manteau de léopard ? Un cadeau de l’empereur d’Éthiopie Haïlé Sélassié, cette magnifique fourrure – bien tentante. Tout à coup, elle s’est souvenue d’une supplique de Mr Muhallim, ambassadeur de Somalie à Washington.
— Surtout pas de léopard au Texas. Toutes les femmes voudraient vous imiter, et ce serait un affreux massacre, alors que nous essayons d’éviter l’extinction de cette race (131) .
Perspicace Mr Muhallim. C’est au Texas – où il fait beau toute l’année – que l’on vend le plus fort pourcentage de manteaux de vison de tous les États-Unis. Chez « Neiman and Marcus », le plus fabuleux des grands magasins de la planète, on découvre un étage entier consacré aux soldes de vison . Le propriétaire, Sidney Marcus, peut aussi procurer aux millionnaires du pétrole une bibliothèque entièrement constituée de chefs-d’œuvre – huit mille dollars – ou une collection d’œuvres cubistes. À son rayon peinture , sont offerts en permanence une dizaine de Picasso et autant de Matisse. Mr Marcus propose en prime un professeur d’histoire de l’art, tout disposé à distribuer, de ranch en ranch, un stock de propositions faciles à retenir, telles que : « Moi, chez Picasso, c’est la période bleue qui me touche le plus. »
Sagement, Jackie a renoncé au léopard. Dans son tailleur rose framboise, sous sa toque de même couleur, elle sourit à Daisie Cabell, quand celle-ci s’approche pour lui offrir une gerbe de roses rouges. Plus tard, Jacqueline repensera à ces roses rouges :
— On ne m’avait encore offert, au cours de ce voyage au Texas, que des roses jaunes. Ce matin-là, à Dallas, ce sont des roses rouges que je reçus. J’ai trouvé cela bizarre…
Bizarre, en effet – si l’on se souvient que, depuis la guerre de Sécession, la rose jaune est l’emblème du Texas. L’hymne de l’État
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