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C’était le XXe siècle T.4. De Staline à Kennedy

C’était le XXe siècle T.4. De Staline à Kennedy

Titel: C’était le XXe siècle T.4. De Staline à Kennedy Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Alain Decaux
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l’arrestation d’un groupe d’éminents médecins spécialistes soviétiques. Il donna son avis personnel sur la façon de mener l’enquête et les méthodes à employer pour l’interrogatoire des gens qui avaient été arrêtés. Il indiqua que l’académicien Vinogradov devait être enchaîné, qu’un autre devait être battu. Le camarade Ignatiev, ancien ministre de la Sécurité de l’État, assistait à ce Conseil en qualité de délégué. Staline lui dit d’un ton péremptoire : “Si vous n’obtenez pas d’aveux des médecins, vous serez raccourci d’une tête.”
    « Staline convoqua lui-même le juge d’instruction pour lui donner ses ordres sur les méthodes à employer pour les interrogatoires. Ces méthodes étaient simples : battre, battre et encore battre.
    « Peu de temps après l’arrestation des médecins, nous autres membres du Politburo, nous reçûmes les procès-verbaux de leurs aveux. Après nous les avoir distribués, Staline nous dit : "Vous êtes aveugles comme des taupes. Qu’adviendra-t-il lorsque je ne serai plus là ? Ce sera la destruction du pays car vous ne savez pas dépister l’ennemi…" Après la mort de Staline, lorsque nous avons examiné ces cas, nous nous sommes aperçus qu’ils avaient été forgés de toutes pièces  (14) . »
     
    La Pravda et les autres journaux expliquent maintenant que ces grands médecins se sont compromis, en qualité de sionistes, au service de l’impérialisme américain. Au sein de la nomenklatura soviétique, on n’en doute plus : Staline prépare de nouvelles purges. Cette fois, c’est la vieille arme de l’antisémitisme qu’il va utiliser. Plusieurs hauts dignitaires se mettent aussitôt à trembler. Parmi eux : Kaganovitch, seul Juif du Praesidium et ex-beau-frère de Staline, son ami de longue date ; Molotov marié à une Juive toujours emprisonnée ; Khrouchtchev, dont la fille d’un premier lit est mariée à un Juif ; Beria lui-même, né de père géorgien mais de mère juive.
    Certes, Beria a mis la machine en marche, mais il est trop lucide pour méconnaître qu’il risque maintenant d’être broyé par elle. Désormais, presque chaque jour, les journaux de Moscou et de province annoncent des arrestations par dizaines. Les inculpés, en majorité, sont des Juifs. Ils appartiennent à des organisations commerciales ou à des professions bien déterminées : des médecins, des avocats, des écrivains, des acteurs. C’est en Ukraine, fief de Khrouchtchev, que l’on arrête le plus grand nombre de présumés coupables. Des articles, soigneusement inspirés, protestent contre les organisations du Parti qui ont toléré de pareils « scandales ». Autour de Staline, tous se sentent visés : Khrouchtchev, puisque l’on attaque ses lieutenants ; Beria, puisque la police est accusée de défaillance ; Mikoyan, puisque l’on arrête des responsables d’organisations commerciales dépendant de lui-même ; Malenkov, puisque l’on implique des membres du Parti placés sous son autorité ; Molotov, puisque l’on a arrêté des personnes en contact étroit avec lui. La terreur se répand dans Moscou. D’étranges rumeurs circulent, portant avec elles l’effroi : on serait sans nouvelles du directeur de l’agence Tass, Nicolaï Palgunov, un ami de Molotov. On parle d’arrestations à l’université de Moscou, à l’Académie des sciences, au Comité central. Des Juifs. Encore des Juifs. « Vers la mi-février, note le correspondant du New York Times , il n’y eut plus personne dans le petit groupe appelé Politburo qui ne sentît le souffle brûlant du danger sur sa nuque. »
     
    Le 28 février 1953, Joseph Staline se lève plus tard que d’habitude. On vient de lui apporter les informations du jour. Avec une attention soutenue, il prend connaissance de celles qui viennent de Corée. Le premier grand conflit survenu après la Guerre mondiale l’a longtemps et fortement préoccupé. L’acharnement mis par les Américains à l’emporter a produit sur lui un choc profond. Au moment de l’entrée en guerre des Chinois, il s’est trouvé confronté à un terrible dilemme. L’URSS allait-elle leur prêter main-forte ? C’eût été alors une troisième guerre mondiale. Il s’est abstenu. Ce matin-là, Staline peut se dire qu’il a fait le bon choix : on s’achemine vers des négociations.
    Il repose le dossier, s’empare des procès-verbaux des interrogatoires des « médecins

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