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C’était le XXe siècle T.4. De Staline à Kennedy

C’était le XXe siècle T.4. De Staline à Kennedy

Titel: C’était le XXe siècle T.4. De Staline à Kennedy Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Alain Decaux
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des militaires envers leur chef et la capacité de ce chef à se faire obéir. »
    Quand, sur son siège du DC3, Ben Bella boucle sa ceinture, il ressent pourtant une crainte qu’il ne peut se défendre de confier à Khider. L’instinct ? Khider, lui, n’est pas inquiet. Il se met à rire. Il lance :
    — Oh ! toi, tu te méfies toujours !
     
    Depuis quarante-huit heures, on sait à Alger que les « cinq » ont été invités à prendre place dans l’avion personnel du sultan du Maroc. On sait que cet avion doit survoler l’espace aérien algérien. Les services du contre-espionnage français opérant au Maroc en ont avisé le colonel Germain, responsable du SDECE à Alger. D’ailleurs, la nouvelle n’a rien de secret : l’ Agence centrale de presse vient de l’annoncer dans une dépêche. Au bar du Saint-Georges, au bar de l’Aletti, les militaires d’Alger ne parlent plus que de « descendre ce zinc » ou « alors on est une bande de cons ». Impossible, comme d’habitude, de se faire « pisser sur la gueule ». Si on ne fait rien, « les petits gars qui se font trouer la peau gueuleront à la trahison  (48)  » !
    On ne s’en tient pas aux rodomontades. On saisit le général Lorillot, commandant la X e Région militaire, et le général Frandon, commandant la V e Région aérienne. Ils ne se montrent nullement pressés d’agir : « Cela regarde le gouvernement. » D’ailleurs, la nouvelle est-elle vraie ?
    Pendant toute la journée du 21, à Alger, les esprits des militaires s’échauffent. Tard dans la nuit du 21 au 22, on boit sec dans les bars en proclamant que, si « les civils refusent l’autorisation » d’abattre ou d’arraisonner l’avion, « c’est qu’ils ont partie liée avec l’adversaire » et « trahissent l’armée qui se bat ».
    Au matin du 22, le colonel Ducournau et le lieutenant-colonel Branet qui, depuis de longues heures, sentent peser l’exaltation de leurs camarades, décident de prendre l’initiative. Malheureusement, Lacoste n’est pas à Alger. On a beau être ministre, on ne peut oublier que l’on dépend du suffrage universel. Présentement, Lacoste est en Dordogne où il visite ses électeurs. C’est donc au secrétaire général Chaussade que Ducournau et Branet s’adressent :
    — Un coup formidable, monsieur le secrétaire général !
    À cette heure-là, on en est toujours aux informations suivant lesquelles « Ben Bella et consorts » voyageront dans l’avion de Mohammed V. Cela n’arrête nullement ceux qui veulent à tout prix réussir le « coup formidable ». Ce que demandent les militaires, c’est l’atterrissage forcé de l’avion d’un souverain indépendant, lié par des traités solennels avec la France. C’est l’éventualité de voir Mohammed V, sur l’aérodrome de Maison-Blanche, descendre la passerelle face aux mitraillettes des policiers et des soldats, comme un détenu de droit commun. La raison seule aurait dû conduire, dès la première seconde, à éliminer radicalement une telle éventualité. On n’en a rien fait. Il faut se souvenir que, pendant plusieurs heures, ce jour-là, c’est bien l’avion de Mohammed V qu’il a été question d’arraisonner .
    Harcelé, Pierre Chaussade finit par répondre :
    — Il faut aviser, voir tout cela de très près.
     
    Le même jour, à 7 heures du matin, le directeur du cabinet de Bourgès-Maunoury, Abel Thomas, a reçu un appel téléphonique en provenance d’Alger : l’état-major général en Algérie lui annonce le survol des départements algériens, dans l’avion de Mohammed V, par les chefs de la rébellion :
    — C’est une provocation ! L’armée ne peut pas rester les bras croisés. Que faut-il faire ?
    Abel Thomas voudrait bien en référer à son ministre, mais impossible : M. Bourgès-Maunoury a quitté son domicile à l’aube. Ce jour-là, il rencontre à Londres son homologue anglais pour mettre la dernière main aux préparatifs de l’expédition de Suez. La fatalité voudra que, ce jour-là, tous les ministres responsables soient absents de Paris. Henry Laforest, secrétaire d’État à l’Air – qui aurait son mot à dire – achève une visite officielle à Lisbonne.
    Abel Thomas se voit livré à lui-même :
    — C’est là une responsabilité du ministère de l’Algérie. Avisez et prenez les mesures que vous estimerez opportunes, conformément au droit international et aux directives

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