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C’était le XXe siècle T.4. De Staline à Kennedy

C’était le XXe siècle T.4. De Staline à Kennedy

Titel: C’était le XXe siècle T.4. De Staline à Kennedy Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Alain Decaux
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courageux…»
    Bref, un Cincinnatus magyar. Ce que l’historien doit constater, c’est que, de mars 1955 à l’été 1956, les Hongrois – certains confusément, d’autres ouvertement – ont rêvé d’une solution Nagy .
     
    Depuis qu’un petit homme rond et chauve, Nikita Khrouchtchev, à la tribune du Kremlin, a démonté le mécanisme de la tyrannie stalinienne, les verrous sautent à l’Est. En mars 1956, Walter Ulbricht, premier secrétaire du parti communiste est-allemand, accuse Staline de s’être montré imprévoyant à la veille de l’agression hitlérienne de 1941. Le même mois, en Hongrie, Rakosi – prenant en toute hâte le train en marche – réhabilite Rajk et ceux qui sont morts avec lui. En avril, Moscou dissout le Kominform, geste de bonne volonté adressé aux Occidentaux, mais surtout à Tito avec qui Moscou, reconnaissant qu’il existe « des voies différentes vers le socialisme », se réconcilie avec éclat. En Bulgarie, l’ancien ministre de l’Intérieur, Anton Yougov, remplace Tcherenkov, président du Conseil. Une commission spéciale réhabilite Kostov, exécuté en 1949 pour titisme .
    En juin, on assiste à la première crise grave de la déstabilisation : à Poznan, en Pologne, 50 000 travailleurs se mettent en grève et défilent en réclamant du pain, des élections libres et le départ des troupes soviétiques. Après vingt-quatre heures d’affrontements entre policiers et manifestants, l’armée et les tanks doivent rétablir l’ordre : plus de cinquante morts, trois cents blessés.
    Comment la Hongrie serait-elle restée à l’écart d’un tel mouvement surgi des profondeurs ? Après Poznan, les travailleurs hongrois s’agitent à leur tour. Les intellectuels aussi, en particulier dans le cadre du Cercle Petöfi. Un lieu de rencontre pourtant bien dans la ligne : sur les vingt membres, dix-sept n’appartiennent-ils pas au Parti ? Le bruit se répand dans Budapest que l’on s’exprime quasi librement au Cercle Petöfi. Alors on y court. Si, le 31 mai 1956, six cents personnes assistent à un débat sur l’historiographie marxiste, deux mille sont là, le 18 juin, lors d’une rencontre enfiévrée entre de vieux communistes échappés des prisons de Rakosi et la jeunesse intellectuelle. On retient son souffle quand on voit paraître à la tribune Julia Rajk, grande, brune, vêtue de noir, le visage marqué par la souffrance. Elle était déjà communiste au temps de l’amiral Horthy. Elle jure que les prisons de ce temps-là étaient moins dures que celle où Rakosi l’a jetée :
    — Quand ils sont venus m’arrêter, j’étais en train de soigner mon bébé. Pendant cinq ans, je n’ai pas eu de nouvelles de mon enfant. Pas un mot, pas une lettre !…
    Sur l’estrade, des fonctionnaires du Parti l’écoutent, effarés. Elle se tourne vers eux, leur crie :
    — Vous n’avez pas tué que mon mari, vous avez tué toute dignité dans notre pays, vous avez détruit la vie politique, morale et économique de la Hongrie… Où étaient les membres du Parti pendant que ces choses-là se passaient ? Comment ont-ils pu tolérer une telle dégénérescence sans se dresser contre les coupables ?
    Tout entière, l’assistance se dresse, l’acclame. Le 27 juin, de 7 heures du soir à 4 heures du matin, six mille auditeurs participent à un débat vibrant sur la liberté de la presse. On acclame l’écrivain communiste Tibor Dery quand il crie :
    — Je suis optimiste et j’espère que nous pourrons nous débarrasser de nos dirigeants actuels !
    Soudain, le directeur de l’organe du Front, populaire patriotique, le journaliste Losonszi, se lève et réclame la réhabilitation d’Imre Nagy. D’un seul élan, la salle se dresse. Dans l’enthousiasme un cri déferle :
    — Vive Imre Nagy !
    C’est donc cette nuit-là, au Cercle Petöfî, que Nagy a fait sa rentrée politique. À son corps défendant. Preuve que son nom suscite toujours autant d’espoir. Preuve aussi, à cette date, que les opposants hongrois n’envisagent aucune alternative qui ne se situerait pas dans le cadre du Parti.
    Le lendemain, à la lecture du compte rendu de la réunion, Rakosi se déchaîne. Il fera condamner par le Comité central les « manifestations antiparti » du Cercle Petöfi. « L’opposition ouverte contre le Parti et la démocratie populaire est organisée principalement par un certain groupe qui s’est formé autour d’Imre Nagy. » On

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