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C’était le XXe siècle T.4. De Staline à Kennedy

C’était le XXe siècle T.4. De Staline à Kennedy

Titel: C’était le XXe siècle T.4. De Staline à Kennedy Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Alain Decaux
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l’AVH décident qu’il restera désormais, de jour et de nuit, debout dans sa cellule. Sans nourriture et sans eau. Est-il possible de rester plus d’une semaine sans manger et sans boire ? Quand on s’appelle Szasz, oui. Le quatrième jour, il aperçoit, sur le mur blanc, des couleurs : du vert, du jaune, du rose. Suivent des images : une terrasse de café aux Champs-Élysées telle qu’il l’a vue quand il était en exil. Puis tout se brouille. Cette abomination dure neuf jours et neuf nuits : « Mes chevilles avaient atteint des proportions éléphantesques, mes genoux étaient comme des gros melons qui remplissaient presque entièrement les jambes de mon pantalon. Je concentrais toute mon énergie vers la cessation de mes fonctions biologiques. Une seule fois, pendant ces neuf jours, je tombai et perdis connaissance. »
    Par un communiqué du comité central du Parti, le monde stupéfait a appris que « Rajk avait créé un vaste réseau d’espionnage. Chaque fois que c’était possible, il nommait à des postes de responsabilité des agents des impérialistes, en particulier d’anciens trotskistes, des agents provocateurs et des espions. C’est ainsi que d’importantes fonctions furent confiées à Bela Szasz, agent de renseignements britannique ».
    On découvre une grande différence entre le comportement de Rajk et celui d’un homme comme Szasz. Malgré les tortures, malgré les pressions de toute sorte, Szasz n’a jamais voulu reconnaître avoir été un agent des impérialistes. Rajk, lui, a avoué tout ce que souhaitaient ses tortionnaires. La torture a fait de lui un homme fragile, démuni, prêt à admettre le stade ultime de la stratégie stalinienne : la persuasion, Surtout il a dû se débattre contre une arme terrible : son engagement dans la police de Horthy en 1932. L’original du document a été retrouvé, on le reproduit partout. Les journaux ne cessent de le commenter. La radio en répète les termes, inlassablement. S’agit-il d’un faux ? Non.
    En 1932, Laszlo Rajk a été arrêté par la police de Horthy. À vingt-trois ans, il avait distribué des tracts exposant les raisons d’une grève des ouvriers du bâtiment. Postérieurement à l’émission de télévision que j’ai consacrée à l’affaire Rajk  (69) , M. Otto Hromadko a bien voulu m’adresser une communication d’une particulière importance. Militant de longue date du parti communiste tchécoslovaque, M. Hromadko a été impliqué dans le fameux procès Slansky, condamné et, plus tard, libéré et réhabilité. Dans L’Aveu , Artur London parle, à plusieurs reprises, d’Otto Hromadko. Or celui-ci a tenu à me faire connaître les confidences de Laszlo Rajk, reçues par lui en 1940. Au moment de la guerre d’Espagne, beaucoup de communistes de différents pays sont allés se battre dans les rangs des Brigades internationales. Rajk a été grièvement blessé. Quand Franco a triomphé, les deux hommes sont parvenus à passer en France où ils ont été internés ensemble aux camps de Gurs et du Vernet. C’est là que Rajk a confié à son compagnon l’origine de son « engagement » de 1932 : il se trouvait à cette époque incarcéré dans le quartier politique de la prison. Il avait le droit, pendant la journée, de s’y déplacer librement. Il rencontrait quotidiennement un autre prisonnier, Matyas Rakosi, dirigeant communiste de premier plan. « Rakosi, écrit M. Hromadko, était toujours en contact avec les communistes qui passaient par la prison, et faisait même l’éducation politique des communistes arrêtés. » En 1932, le frère de Rajk était officier de police à Budapest. Navré par l’emprisonnement de Laszlo, il ne pensait qu’au moyen d’obtenir sa libération. Un jour, il lui a proposé de signer un engagement dans la police, comme « mouchard ». Si Laszlo signait, son frère se faisait fort d’obtenir sa libération. Une fois dehors, il pourrait quitter le pays. Je cite M. Hromadko : « Rajk a demandé le conseil et l’opinion du Parti à Rakosi. Et Rakosi a conseillé à Rajk de signer, lui a donné le consentement du Parti et se porta garant qu’il allait tout expliquer aux camarades. À noter qu’à l’époque, Rajk était un petit étudiant inconnu des camarades dirigeants. Rajk alors a signé, a été relâché et, immédiatement, a pris la fuite pour la Tchécoslovaquie. » Parvenu à Bratislava, il a aussitôt adressé un rapport à la

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