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C’était le XXe siècle T.4. De Staline à Kennedy

C’était le XXe siècle T.4. De Staline à Kennedy

Titel: C’était le XXe siècle T.4. De Staline à Kennedy Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Alain Decaux
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direction illégale du PC hongrois. Il a relaté en détail les circonstances de son engagement comme « mouchard », ainsi que l’accord formel que lui avaient donné Rakosi et la direction du Parti à Budapest. Le lecteur pourrait penser qu’un tel témoignage éclaircit seulement un point d’histoire. Il va beaucoup plus loin : il permet de comprendre le mécanisme grâce auquel Laszlo Rajk va être broyé.
     
    En 1949, Rakosi pourrait innocenter Rajk. Il sait, lui. Mais il se tait. Rajk n’a aucun moyen de faire connaître aux Hongrois ses explications. Même les meilleurs amis de Rajk se montrent ébranlés. Je cite de nouveau le témoignage de M. Otto Hromadko : « Quand Rajk a été arrêté, on a tout de suite répandu, non seulement en Hongrie, mais ailleurs, l’histoire de son engagement. Et tous y ont cru, puisque Rakosi ne disait rien… Dorénavant, Rajk, politiquement, était un cadavre. »
    L’expérience née de son long passé de militant convainc Rajk qu’il n’en sortira pas. Les agents de Rakosi vont alors le soumettre à une ultime pression.
    C’est au nom du communisme que l’on va demander au communiste Rajk d’avouer. Raffinement sans égal, c’est un ami de Rajk qui lui sera envoyé. Un autre communiste de l’intérieur qui, pour sa foi politique, a lui-même connu les prisons et d’affreuses tortures. Un pur, un homme en qui l’on ne peut pas douter. Naguère adjoint de Rajk au ministère de l’Intérieur, il l’y a remplacé : il s’appelle Janos Kadar. En le chargeant d’obtenir des aveux de son ami, Rakosi lui a solennellement assuré que, si Rajk avouait, il aurait la vie sauve et pourrait librement quitter la Hongrie avec sa femme et son fils.
    On peut les imaginer face à face, les deux amis, combattants l’un et l’autre du communisme. Kadar parle de l’intérêt du Parti. Les impérialistes ne désarment pas. La sécession de Tito représente un péril extrême pour l’avenir du socialisme. Les Américains vont profiter de cette porte ouverte pour s’y engouffrer. Est-ce là ce que Rajk souhaite ? Bien sûr qu’il ne le veut pas. Assurément, rien n’est vrai dans les crimes dont l’AVH accable Rajk. Comment Kadar, son ami, pourrait-il le croire ? Mais il faut terroriser les impérialistes et leurs agents. Il faut faire pièce à Tito. On a besoin d’un procès et de condamnés.
    Nécessairement, Rajk enrage, crie, proteste. Pourquoi lui ? Pourquoi le déshonorer ? Pourquoi l’assassiner ? Kadar continue sa démonstration. Rajk a tout donné au Parti. On lui demande de donner plus encore. Ainsi ira-t-il jusqu’au bout de sa propre logique. Argument ultime : à son procès, s’il suit à la lettre le scénario et les répliques que lui soufflera l’AVH, Rajk sera condamné, soit, mais on le sauvera. On épargnera aussi sa femme en prison et son fils arraché à sa mère. En grand secret, on les expédiera tous les trois quelque part en Crimée, où ils retrouveront liberté et quiétude.
    Rajk aime passionnément sa femme Julia et son petit garçon qui vient juste d’avoir quatre mois. Le raisonnement emporte tout. Il servira le communisme et il sauvera les siens. Il accepte.
    Or c’est un piège que Rakosi a tendu à Kadar. Quand le bureau politique se réunit pour décider définitivement du sort de Rajk, c’est la mort qui est votée. Hors de lui, Kadar proteste. Il est seul  (70) .
    Quand le procès s’ouvrira, Rajk jouera le jeu. À fond. Les questions et les réponses ont été soigneusement rédigées avant les audiences. Rajk les a apprises par cœur. Il sait très exactement ce qu’il doit déclarer. Quand le procureur démontre que les accusés sont des criminels de droit commun qui ont préparé, « avec l’appui de Tito, une agression contre la Hongrie, et le renversement de la démocratie populaire », Rajk accepte l’accusation. Il reconnaît que, de longue date, il est l’agent des puissances occidentales. Autour de lui, les soi-disant complices avouent à l’unisson. Pour Laszlo Rajk, une condamnation attendue : la mort.
     
    Un matin à l’aube, dans la prison où Julia Rajk, depuis plus de quatre mois, est enfermée, des bruits venus de la cour l’éveillent. Par la lucarne de sa cellule, elle ne peut rien voir. Elle entend des bruits de pas, des ordres gutturaux. Un ordre plus fort que les autres :
    — Bourreau, faites justice.
    Un bruit indéfinissable, un interminable silence. Une autre

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