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C’était le XXe siècle T.4. De Staline à Kennedy

C’était le XXe siècle T.4. De Staline à Kennedy

Titel: C’était le XXe siècle T.4. De Staline à Kennedy Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Alain Decaux
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de Gomulka, nous voyons une tentative louable de montrer au peuple polonais, d’une façon réaliste, la situation générale… Notre conviction est que, pour une cause juste, celle de la vérité socialiste, on ne peut lutter qu’avec des méthodes justes. »
    Les auditeurs hongrois n’en croient pas leurs oreilles. On ose donc parler, à la radio de Budapest, de ce « lourd héritage de honte » laissé par les « dirigeants écartés récemment du pouvoir » !
    L’histoire l’a confirmé : cette prise de position de la radio de Budapest marque le prélude des événements qui vont éclater quelques heures plus tard.
     
    Le même jour, on apprend à Budapest que deux cents étudiants de Szeged ont créé une organisation indépendante sous le nom de Fédération hongroise des associations d’étudiants des universités et collèges. En fait, cette réunion de Szeged s’insère parmi les innombrables manifestations qui, depuis quelques jours, éclatent spontanément à travers toute la Hongrie. On revendique, on réclame, on exige. Le 19, un premier résultat a été obtenu : le ministre de l’Éducation a annoncé que l’on envisageait de supprimer l’étude obligatoire du russe et de préparer d’autres réformes.
    À peine l’initiative des étudiants de Szeged est-elle connue à Budapest que les étudiants de la capitale s’émeuvent. Partout, on discute ferme. Des groupes universitaires des facultés d’économie politique, de philosophie et de médecine décident de se réunir à 15 heures au grand amphithéâtre de l’Université.
    À l’heure dite, on se bat pour entrer dans l’amphithéâtre. Il y a là quatre à cinq mille étudiants au coude à coude qui littéralement s’écrasent. Très vite le ton monte. Cela va se poursuivre tout l’après-midi, toute la soirée, une partie de la nuit. D’emblée, on a balayé les problèmes pratiques de la vie universitaire, thème avoué de la réunion, pour évoquer l’exemple de la Pologne. Il faut rétablir la démocratie en Hongrie, revenir à l’esprit de la révolution de 1849 ! On scande le nom de Imre Nagy. Encore, toujours Nagy ! On réclame l’application à la Hongrie de la Déclaration universelle des droits de l’homme. D’heure en heure, on s’enhardit. L’un des chefs de la jeunesse communiste, sans doute stupéfait par sa propre audace, réclame tout à coup le départ de Hongrie des troupes soviétiques :
    — Tant que ces troupes resteront en Hongrie, l’évolution politique désirée ne pourra avoir lieu ! Le pays est soumis à une tyrannie impérialiste !
    D’autres renchérissent : il faut que la statue monumentale de Staline, « symbole de la tyrannie et de l’oppression politique », soit ôtée le plus vite possible de la vue des Hongrois « qu’elle offense » !
    Sur cette lancée, on va voter le texte d’une déclaration en seize points, véritable programme d’action immédiate : « Évacuation des troupes soviétiques ; élection des dirigeants du Parti par les militants au scrutin secret ; reconstitution du gouvernement sous la direction du camarade Imre Nagy et révocation de tous les dirigeants stalino-rakosistes ; procès publics contre Rakosi, Farkas et leurs complices ; organisation d’élections générales au scrutin universel et secret, avec la participation de plusieurs partis ; droit de grève pour les travailleurs ; révision et réajustement des traités soviéto-hongrois ; publication des rapports commerciaux avec l’étranger et du montant exact des réparations accordées aux Russes ; réajustement des salaires, avec un salaire minimum assuré ; révision des procès politiques et économiques ; réhabilitation des innocents ; création d’un quotidien à grand tirage pour la nouvelle organisation estudiantine  (73)  ».
    Dans le cours de la nuit, l’arrivée d’un représentant de l’Union des écrivains, le poète communiste Zoltan Zelk, suscite une profonde émotion. Zelk annonce que l’Union a décidé de déposer une couronne devant la statue du général polonais Bem « en l’honneur de la lutte de la Pologne pour son indépendance ».
    À l’instant, dans toutes les travées bondées de l’amphithéâtre, le même cri s’élève :
    — Manifestons, nous aussi !
    En régime de démocratie populaire, c’est un mot redoutable que celui de manifestation. Les professeurs interviennent, conseillent la prudence. Les étudiants leur

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