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C’était le XXe siècle T.4. De Staline à Kennedy

C’était le XXe siècle T.4. De Staline à Kennedy

Titel: C’était le XXe siècle T.4. De Staline à Kennedy Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Alain Decaux
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d’adhérents. Il est dirigé par des parlementaires, ce qui, aux yeux de certains purs du gaullisme, signifie que ceux-ci ont à demi trahi. À la tête des fédérations les plus importantes, on trouve en effet le député Chaban-Delmas (Gironde), le député Soustelle (Rhône), le sénateur Debré (Maine-et-Loire). Exception : à la tête de la puissante Fédération du Nord, Delbecque n’est ni sénateur ni député.
    En 1957, Delbecque a trente-huit ans. Depuis dix ans adjoint au maire de Tourcoing, il est l’homme des réunions publiques. Son accent ch’timi fait quelquefois sourire, mais son talent d’orateur n’est contesté par personne. Delbecque s’est révélé à la fois un remarquable organisateur et un homme d’action. Il va le prouver.
     
    Depuis qu’il a, en 1953, dissous le Rassemblement du peuple français, Charles de Gaulle s’est enfermé dans l’exil intérieur qu’il s’est choisi. À Colombey-les-Deux-Églises, il a vu se confirmer les raisons qui, en 1946, lui avaient fait quitter le pouvoir : « Je devrais, plus ou moins longtemps, laisser le régime des partis étaler une fois encore sa nocivité, bien résolu que j’étais à ne pas lui servir de couverture ni de figurant. Je partirais donc, mais intact. Ainsi, le moment venu, pourrais-je être de nouveau le recours, soit en personne, soit par l’exemple que j’aurais laissé. »
    Méditant devant la vaste plaine qu’il aperçoit de la fenêtre de son cabinet de travail, parcourant chaque jour inlassablement, sous les mêmes arbres, les mêmes allées du même parc de La Boisserie – un itinéraire qui lui permet de ne jamais croiser ses propres pas –, il a vu peu à peu se déliter cette IV e République dont il avait, à son avènement, solennellement annoncé la fin : « Tandis que se nouait et se dénouait sans relâche dans l’enceinte du Palais-Bourbon et dans celle du Luxembourg l’écheveau des combinaisons, intrigues et défections parlementaires, alimentées par les motions des congrès et des comités, sous les sommations des journaux, des colloques, des groupes de pression, dix-sept présidents du Conseil, constituant vingt-quatre ministères, campèrent tour à tour à Matignon. » Certes, il s’agissait d’hommes de valeur – d’ailleurs il en convenait – mais il s’attristait que « l’absurdité du régime » les privât de toute possibilité de gouverner réellement : « Combien de fois, les voyant se débattre loin de moi dans l’impossible, me suis-je attristé de ce gaspillage  (78)  ! »
    Est-ce donc en simple spectateur qu’il observe cette débandade ? Nullement. La preuve en est que, chaque semaine, le mercredi et le jeudi, il se rend à Paris. Il descend à l’hôtel La Pérouse, près de l’Étoile, et garde un bureau, rue de Solférino, là où se trouvait naguère le siège du RPF. Surtout, il maintient autour de lui une équipe, réduite il est vrai et dont les membres, tous, ont un métier ; il n’est plus question qu’ils se consacrent à plein temps au service du général. Georges Pompidou a été accueilli à la banque Rothschild ; Olivier Guichard au Commissariat à l’Energie atomique ; Jacques Foccart s’occupe d’import-export. Ce qui subsiste entre de Gaulle et eux, Guichard le dira, c’est une histoire d’amour : « J’ai choisi dès le début, vis-à-vis du général, un état de dépendance volontaire  (79) . » De cet attachement inconditionnel, d’autres se réclament : le sénateur Michel Debré, au premier rang, dont la fidélité sans exemple ne cesse d’être faite de déchirements, mais aussi Jacques Chaban-Delmas qui, tout de même, a beaucoup flirté avec la IV e République. Le député Jacques Soustelle envoie allègrement les ministères au tapis pour faciliter ce retour du Général auquel il rêve toujours. Roger Frey, lui, assume le secrétariat général du mouvement des républicains sociaux. Voilà l’état-major. Il faudrait citer aussi Edmond Michelet, Louis Terrenoire, Raymond Triboulet. Il existe une hiérarchie des rapports entre de Gaulle et ses fidèles : Michel Debré écrit presque chaque jour au Général – et le général lui répond. Quand Soustelle est à Paris, de Gaulle le reçoit chaque semaine, et Frey toutes les six semaines  (80) .
    À travers eux – et d’autres – le Cincinnatus de Colombey-les-Deux-Églises est donc informé. Il observe. S’il se tait, il n’en pense pas moins. Mais

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