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Charly 9

Charly 9

Titel: Charly 9 Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jean Teulé
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jusqu’aux pieds, étendant son
étole, se met à dire l’évangile devant un cercueil en plomb. On apporte le
ciboire pour le Salut. Magnificat aux flots d’encens. L’ample aisance du
prélat épate (les catholiques). La cathédrale est grise tandis que le soleil de
juillet brille à travers un long vitrail. Sa lumière pleut en un rayon unique
qui rebondit sur la chevelure rousse d’Élisabeth. On dirait alors une sainte en
son auréole. Belle et humble au front fier devant l’autel où brûlent huit gros
cierges, elle jette de précieuses larmes si tendrement, soupire si doucement,
qu’on sent qu’elle ne voudrait déranger personne.
    — Elle a l’air de ne plus
penser qu’à retourner en son pays, dit une duchesse à sa voisine princesse qui,
ensemble, observent la jeune veuve étrangère.
    — Si la teutonne devait partir
en Autriche, il lui faudrait dire adieu à sa fille élevée à Amboise car la
petite devra rester ici puisqu’elle appartient à la Couronne de France.
    — Croyez-vous, princesse, que,
comme le prétend la rumeur, Élisabeth pourrait épouser en secondes noces le
nouveau roi de France lorsqu’il sera rentré ?
    — Épouser Henri III ?
Hi, hi, hi !… Mais cette majesté fot-en-cul, « ELLE », ne voudra
jamais ! Ah, ah, ah…
    — Oh, c’est vrai, j’avais
oublié. Vous avez raison !
    Les deux commères de la Cour se
tiennent les côtes, pliées de rire sous l’œil en bois d’un Jésus indulgent et
bénévole. Le dernier coup de cloche sonne. Des soldats soulèvent le cercueil
caressé par des bouquets de fleurs au gai parfum sauvage. La jeune veuve
autrichienne se lève en robe couverte de perles noires et long manteau de
deuil. Yeux brillants comme des flambeaux, au sortir de la messe, elle égrène
en silence son chapelet entre dix capucins.
    — Vive le roi
éternellement !…
    Après ce cri de capitaine lancé
devant la cathédrale, un chariot d’armure drapé de noir, sur lequel fut placée
la dépouille du monarque, s’ébranle doucement au pas de lourds chevaux
caparaçonnés de noir. Des tambourins voilés de crêpe sonnent. Les gardes
suisses relèvent leur hallebarde et se mettent à marcher.
    — En avant pour l’église de
Saint-Denis où reposent les rois de France ! indique maintenant le soldat
hurleur.
    « Ce n’est pas tout près. On
n’est pas arrivés… » ronchonne un duc passant devant un autre qui s’en
offusque : « Eh bien, ne vous gênez pas, vous ! » Une
immense foule de curieux observe le cortège plein de grands personnages qui
cherchent leur place dans le convoi :
    — Laissez-moi passer !
    — Et pourquoi, je vous
laisserais passer ?
    Catherine de Médicis est absente –
l’Étiquette interdit à une reine mère d’assister aux obsèques de son fils
souverain. Mais malgré la misère du royaume elle a voulu des funérailles
somptueuses avec toutes les magnificences qu’on a coutume d’observer aux
enterrements des rois de France.
    Dix mille Français pour aller
jusqu’à Saint-Denis par les rues étroites où des épaules s’entrechoquent. Les
tons montent :
    — Vous m’avez bousculé. J’ai
grand-peur que cette offense soit mal pardonnable.
    — Ne m’échauffez pas les
oreilles. Vous savez qui je suis ?
    — Je le vois à votre
écharpe : un fruit pourri de la huguenoterie.
    — Quoi ?!
    Le protestant, aussitôt insulté, se
défend en disant qu’il y allait de son honneur s’il ne répondait pas. Par la
mort-Dieu, il poignarde le catholique ! La colère soulève des poitrines.
L’un cherche une cordelette pour étrangler son voisin. Un coup de feu est tiré à
brûle-pourpoint. Quelqu’un, s’armant d’une bouteille, la casse sur la tête de
l’assassin :
    — À bas les guisards !
    Orage de colère et tourbillon
d’injures, c’est l’heure du retour des haines amassées. Ça se charge d’estoc et
de taille aux cris aussi de :
    — Papaux ! Papaux !
Papaux !
    Toute la procession remue et
frétille. Pour l’un passant devant l’autre, soudain, que de deuils ! Les
seigneurs changent de place, s’engueulent, se menacent. Jamais ces
gentilshommes ne s’accordent sur les prérogatives. La pompe funèbre se dérègle.
À grands coups de poignard, elle se saccage :
    — J’ai cette épée si bien
luisante qui mettra en quartiers le prochain qui passera devant moi !
    — Hérétique, relaps,
excommunié, diable !
    Satan, grinçant des dents, convie le
cortège aux

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