Christophe Colomb : le voyageur de l'infini
aménagements récents. En attendant,
il les conduisit dans une pièce où un bon feu brûlait dans une vaste cheminée,
et il leur fit porter des rafraîchissements.
Soudain, une porte s’ouvrit et deux moines firent leur
entrée. Le premier, le plus âgé, était légèrement tassé sur lui-même mais il
émanait de son visage un calme étonnant et une grande autorité. Le second, plus
jeune, dont la robe de bure était coupée dans une étoffe de qualité, se tenait
un peu en retrait. Il arborait un franc sourire et salua chaleureusement les
visiteurs :
— Je vous présente le custode de notre province, le
frère Antonio de Marchena, qui est venu me seconder de ses conseils et
s’assurer qu’il n’a pas commis d’erreur en permettant que je sois élu prieur de
la Rabida. Je le soupçonne même d’avoir poussé mes frères à me confier cette
tâche dont je me sens indigne. Quand il le souhaitera, je l’entendrai
volontiers en confession et je lui infligerai la pénitence que mérite cette
mauvaise action.
Antonio de Marchena éclata de rire :
— Le frère Perez, sous couvert d’une fausse humilité,
vous donne un aperçu de ses bien réels talents. J’ai bon espoir qu’il me
succède un jour quand le Seigneur me rappellera auprès de Lui. Cela dit, il
risque fort d’avoir à patienter car je suis en pleine forme et l’air de ce côté
de la Niebla me fait le plus grand bien. Il a quelque chose de vivifiant et
c’est pour cette raison que j’envoie ici nos meilleurs éléments. Cela vaut cent
fois mieux que l’atmosphère empoisonnée qui règne dans nos villes.
Rodrigo Enriquez de Harana et Cristobal se présentèrent
brièvement, affirmant que, pour rien au monde, ils se seraient dispensés de
l’obligation de venir se recueillir dans la chapelle de la Rabida. Antonio de
Marchena les interrompit :
— Vous aurez tout le temps de faire vos dévotions
puisque vous êtes nos invités pour la nuit. Il se fait déjà tard et il ne
serait pas prudent de vous aventurer à cette heure dans les parages. Les bons
Chrétiens des environs n’aiment pas trop qu’on les surprenne lors de leurs
menus trafics, et j’ai ouï dire que des navires s’apprêtaient à quitter Saltès.
Ce sera l’occasion pour moi de vous remercier, Don Rodrigo, pour votre
générosité. Grâce à vous, nous avons pu faire réparer le toit de la chapelle
qui avait souffert de la forte tempête de l’an dernier. Vous verrez que votre
argent a été bien employé. Quant à vous, messire Cristobal, je crois savoir qui
vous êtes. L’une de mes connaissances, l’évêque de Ceuta, m’a écrit à propos
d’un sien ami en me priant de lui venir en aide s’il sollicitait mes avis. Je
suppose que c’est la raison de votre présence ici et je vous félicite d’avoir
fait diligence. Il est vrai que vous avez pour mentor un bon Chrétien,
quoiqu’il fasse tout pour donner le change.
— Je suppose, s’esclaffa Rodrigo, que vous faites
allusion aux agapes que je partage avec quelques amis à Cordoue. Il est vrai
que l’un est Juif et l’autre Maure, mais ce sont des personnes de qualité dont
j’aime l’érudition et la bonne humeur. Ce n’est pas là un péché.
— Dieu me garde de vous en faire le reproche ! Je
ne suis pas, vous le savez, de ceux qui traquent l’hérésie là où elle n’existe
pas. Laissez-moi seulement vous mettre en garde. Nos frères dominicains n’ont
pas la même conception de la charité que nous. Il se pourrait qu’ils s’émeuvent
de vous voir mettre votre âme en danger en fréquentant des Infidèles.
— Ne m’obligez pas à dire du mal d’autres religieux.
Franciscains et dominicains, vous êtes comme chien et chat et vous ne vous
ménagez guère. Je préfère ne pas prendre parti dans vos querelles même si vous
savez vers qui je penche.
— Nous ne vous en demandons pas tant. C’est notre
manière de vous démontrer que nous ne sommes pas aussi bons Chrétiens que vous
car c’est offrir un triste spectacle que celui de nos rivalités. Pour l’heure,
Don Rodrigo, j’ai à m’entretenir avec le frère Perez de certaines questions.
Nous nous retrouverons après les Vêpres et aurons tout loisir de discuter.
Le portier les conduisit jusqu’à leurs chambres, deux pièces
aux murs blanchis à la chaux et meublées de deux bons lits, d’une table, d’un
tabouret et d’un mauvais coffre. Il alluma le feu dans les cheminées et laissa
ses hôtes prendre un peu de
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