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Chronique de mon erreur judiciaire

Chronique de mon erreur judiciaire

Titel: Chronique de mon erreur judiciaire Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Alain Marécaux
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insistance par les avocats qui flairent bien qu’elle est sur le point de flancher et notent un affaiblissement dans l’exercice répété du mensonge. Mais là, alors qu’il conviendrait d’aller jusqu’au bout de cette logique, une chose incroyable a lieu : le président de la cour, passablement exaspéré, perd patience. Sans doute parce qu’il s’aperçoit que les digues de l’accusation sont sur le point de céder, que la « vérité » initialement assénée paraît de plus en plus fragile, il demande à l’auxiliaire de justice combien de temps doit durer son intervention puis interroge la salle sur le nombre d’avocats devant encore intervenir. Manifestement, en ayant assez pour aujourd’hui, il modifie le programme à la surprise générale : au lieu de permettre aux avocats d’obtenir une réponse ferme de la factotum de Myriam Badaoui, il change l’ordre, annonce qu’Odile et moi passerons demain et déclare la séance terminée. Lorsqu’un conseil a le malheur de demander à quel moment témoignera son client, il réplique d’une voix colérique : « Comment voulez-vous que je sache qui passera vendredi à 14 heures ! »
    Nous quittons la salle devant les caméras, photographes et journalistes, lesquels se tiennent à l’affût, mais nous les évitons, reprenant au plus vite la voiture pour filer chez ma sœur. Le lendemain matin, dans la presse, le comportement du juge est sévèrement noté. Les yeux des uns et des autres se dessillent-ils enfin ?
    *
    Comme on pouvait le craindre, l’interrogatoire n’apporte rien. Alors que la veille on la pensait sur le point de dévoiler son jeu, cette fois, Aurélie Grenon retrouve de la fermeté, et ne démord plus de la culpabilité des treize autres accusés. Elle décrit les sévices et les viols infligés aux enfants qui « hurlaient, et dont certains étaient frappés par des adultes qui criaient aussi », essayant même de faire croire qu’elle a des remords sans convaincre une seconde. Seul avantage au final de son interrogatoire, l’immixtion du doute dans l’esprit de maintes personnes sur la présence et la culpabilité d’Odile et moi dans les séances pédophiles.
    La suit à la barre Roselyne Godard, la boulangère, mais je ne me sens pas concerné par ses déclarations. Ce que je retiens, c’est qu’elle est sévèrement mise en cause par Myriam Badaoui avec laquelle elle a une violente altercation. La tension est palpable. Très vite, je vais réaliser qu’elle, comme tous les autres, est logée à la même enseigne que nous, c’est-à-dire soumise aux ravages des fausses accusations de personnes dérangées.

Chapitre 32

Le procès, Acte I, scène 4
ou
L’huissier à la barre
    Au fil des heures, mon angoisse monte de plusieurs crans. En cet après-midi du jeudi 6 mai 2004, je vais à mon tour subir la question. Et me voir projeté au milieu de l’arène, à la merci des autres, sous le regard de ceux qui me connaissent (ou pas) mais me pensent coupable puisque l’instruction le dit, me terrifie. Je n’ai rien à me reprocher mais je sais que mon destin va se jouer sur ces minutes majeures, que je dois convaincre, « emporter le morceau » comme s’il s’agissait d’un casting pour une pièce de théâtre ou un film – médiatisation et qu’en dira-t-on oblige – alors que c’est sur la scène de ma vie, de mon honneur, de mon innocence et de mon avenir que je vais jouer mon rôle : celui de l’huissier qui a tout perdu, doit convaincre de sa bonne foi pour retrouver la liberté.
    — J’appelle Alain Marécaux à la barre.
    L’heure a sonné. À moi de faire éclater la vérité. Mais m’aidera-t-on ?
    *
    Je suis interrogé par le président, un assesseur et même un juré. Quant à l’avocat général, il me pose une multitude de questions, souvent futiles. Il est vrai que lorsqu’il n’y a rien à dire, il faut bien meubler. En plus, pour une fois qu’il tient un huissier de justice en main, pourquoi se priverait-il ? Et puis, au fond de lui, peut-être pense-t-il devoir justifier mon renvoi devant cette cour d’assises et faire croire que l’enquête a été conduite dans les règles de l’art ? Un autre point m’énerve, tandis qu’il me bombarde d’interrogations insipides : est-il le mieux placé, cet avocat général, pour m’asséner ses certitudes alors qu’il n’est autre que le procureur de la république de Boulogne-sur-Mer, qui a chapeauté l’ensemble du

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