Chronique de mon erreur judiciaire
avant mon intégrité et les incohérences du dossier. Mais je dois par exemple expliquer la faiblesse de ma libido, ma passion pour le travail – d’aucuns y voient une obnubilation, un comble à une époque où l’on vante à nouveau l’effort comme vertu dans les plus hautes instances –, les déclarations de mon coiffeur sur mon changement d’aspect et même ma connexion à un site gay.
Sur ce dernier point d’ailleurs, je tiens à m’arrêter quelques instants. Au-delà du fait, banal hélas, que ladite connexion s’est effectuée par hasard en cliquant sur un bandeau de publicité, je ne vois pas en quoi cela ferait de moi un abuseur d’enfants. Pire, tout laisse à penser que dans l’esprit des enquêteurs ou des juges se penchant sur ce genre d’affaire, un homosexuel est forcément un pédophile en puissance. Bien que n’étant ni l’un ni l’autre, je perçois cette homophobie tout au long du procès. Voilà, à mon sens, un état d’esprit conservateur et rétrograde fort pernicieux qu’à aucun moment un journaliste ou une association de défense n’a noté.
Je dois également préciser les rapports que Sébastien entretenait avec les enfants de la famille Delay à l’école, dont j’ignorais la nature et la violence, rappelons-le, même si je savais qu’il était copain avec Karim. Concernant le second fils de Myriam Badaoui, comme je l’ai déjà expliqué, je me souviens qu’il me disait que son copain « Dave [le] frappait », mais n’avais jamais porté attention à cette déclaration relevant dans mon esprit de la dispute de gamins. Soit dit en passant, quand, aujourd’hui, on songe à l’emprise que sa mère avait réussi à avoir sur Aurélie Grenon et les autres esprits fragiles de ce drame, qui sait si mon fils ne fut pas à son tour fasciné par ce garçon aussi fantasque qu’étrange ? J’en suis aujourd’hui convaincu.
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À l’heure de la pause, je pousse un ouf de soulagement. Pour avoir résisté aux assauts mais aussi à cause d’une douleur dorsale qui m’empêche de tenir la position debout plus de dix minutes. Je n’ose du reste pas avancer un pied par peur de la douleur.
Maître Delarue s’aperçoit assez vite de mon état de faiblesse et, avec l’aide d’un autre avocat, m’avance une chaise. Essoufflé comme si j’avais couru un marathon, j’avale une gorgée d’eau et me mets à pleurer. Victime d’une hypotension, j’hésite à faire appeler les pompiers, puis préfère d’autorité avaler quatre comprimés, avant de me lever tout doucement pour aller vers le fond de la salle et éviter le regard de la mère Badaoui.
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Odile est entendue à la reprise de séance. Plus de la moitié des questions posées me concernent, la Cour semblant très intéressée par ma personnalité.
Mon épouse tient le coup avec une force extraordinaire, évoquant, sans rien cacher, ce qu’elle pense de moi… ce qui n’est pas toujours agréable à entendre de sa bouche. Elle s’explique sur le fait que je sois autoritaire, admet que je ne pensais qu’à mon Étude, estime que je la délaissais, au même titre que les enfants. Cela ne prouve évidemment en rien que je sois pédophile, mais l’avocat général se montre le fer de lance de ces questions visant plus à m’atteindre qu’à lui faire admettre quoi que ce soit. Une attitude « logique » de sa part puisque, ayant initialement requis un non-lieu pour elle, il ne pouvait raisonnablement plus l’impliquer. Ferait-il une allergie aux huissiers de justice ?
Chapitre 33
Le procès, Acte I, scène 5
ou
Quand les mensonges s’écroulent
Vendredi 14 mai 2004. Auditions de l’abbé Dominique Wiel, de Thierry Dausque et des Daniel Legrand père et fils. Il faudrait encore entendre Karine Duchochois et David Brunet, mais leurs interrogatoires seront reportés à une date ultérieure.
Nous découvrons d’abord le prêtre-ouvrier qui se défend des accusations portées contre lui avec caractère et éloquence, se tirant très bien de cet « examen ». Je ne le connais pas, mais je sais maintenant qu’il est, lui aussi, innocent. Au fil des séances, en fait, de mon banc des accusés, je m’aperçois peu à peu que la plupart de ceux qui ont été impliqués sont autant de victimes d’une cabale que moi. Triste et terrible constat.
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Thierry Dausque, lui, est un individu effacé, peu prolixe, répondant de façon succincte aux questions, son seul crime ayant été d’être
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