Chronique de mon erreur judiciaire
dossier et son instruction ? Est-il logique qu’il tente de me pousser dans mes retranchements et de me faire passer pour malhonnête alors que, autorité de tutelle de ma charge, connaissant mes bilans fiscaux et ma vie professionnelle parfaitement, s’il avait eu un seul soupçon quant à mon intégrité, il ne m’aurait pas laissé exercer ?
Ses interrogations ? L’obsession de l’enquête sur ma barbe. Je dois en effet justifier un prétendu changement de look, suite à une coupe de cheveux et à une barbe taillée de façon différente. À l’en croire, cela signifierait que j’ai voulu qu’on ne me reconnaisse pas. Mais où va se nicher le ridicule… Jamais ces hommes de loi n’ont eu envie de se rafraîchir, comme on dit, la tête. Et encore, cela ne change en rien mon allure puisqu’on parle de quelques centimètres, et bientôt de quelques millimètres… En somme, si on suit leur logique, tous ceux qui taillent de quelques centimètres leurs cheveux sont forcément des pervers désireux de cacher quelque chose.
Autre question étrange, celle relative aux déclarations d’un commercial du concessionnaire automobile Renault me présentant comme dédaigneux envers l’ouvrier et profitant de ma situation. Tout cela parce que j’avais osé contester la fiabilité de mon véhicule, m’étant pris de passion pour une marque japonaise plus réputée en la matière, chose qui ne lui avait pas plu. En somme, par un mesquin esprit de revanche, il avait profité de mes malheurs pour me calomnier. Bel exemple d’incongruité. Soit dit en passant, là encore, en quoi ces propos ont-ils à voir avec ce dossier de pédophilie aggravée ? Tous les clients des constructeurs vont-ils devoir désormais se méfier de ce qu’ils disent par crainte de faire vingt-trois mois de préventive ?
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On en est à ces billevesées quand, tout à coup, sans doute lasse de ne pas avoir commis un éclat, Myriam Badaoui se met à crier. En hurlant que j’ai « sodomisé des enfants », elle me lance :
— Regarde-moi dans les yeux.
Ce que je fais, mais au moment où je me retourne, des avocats s’interposent, des policiers calment sa furie et je poursuis mon interrogatoire. Un énième coup de théâtre pathétique et déstabilisant.
C’est au tour des avocats des parties civiles de s’en prendre à moi, notamment ceux des associations de défense de l’enfance maltraitée convaincues de la culpabilité de tous. Je sens qu’ils cherchent à me déstabiliser, mais je les écoute calmement et prends le temps de réfléchir avant de leur répondre, toute parole malencontreuse pouvant faire mauvaise impression. Malgré ma pudeur, je dois expliquer le fonctionnement de mon couple, me défendre contre les déclarations de mon fils et les propos délirants de Cécile ayant soi-disant indiqué qu’elle pouvait recevoir comme punition de ses parents de devoir se déshabiller dans le cadre de gages donnés au cours d’une fondue savoyarde, assertions abracadabrantes que je dois à nouveau démentir. Je pleure en parlant de mes enfants, comparant cette fatidique journée du 14 novembre 2001 au 11 septembre pour des millions d’Américains, explique comment je percevais ma profession, ma responsabilité de titulaire d’une parcelle de puissance de l’État chargé de remplir une mission de service public. Puis je m’étends sur mes contacts, plus que ténus, avec les personnes poursuivies, ayant seulement aperçu certaines dans le cadre de saisies durant lesquelles je prenais le temps d’expliquer ce qui leur arrivait, et le caractère obligatoire du titre exécutoire et de la condamnation sans équivoque du magistrat ayant rendu la décision de justice. J’en profite aussi pour signaler qu’un jour, face à un couple de débiteurs démunis, j’avais classé leur dossier comme insolvable alors qu’ils voulaient à l’époque me verser cent francs par mois, leur ayant même proposé de passer prendre gratuitement à mon domicile un four, un aspirateur et une machine à laver, qu’Odile avait l’intention de remplacer, afin de les aider. Bref, que je n’étais en rien un huissier sanguinaire voulant étrangler les débiteurs, comme le confirmera d’ailleurs mon successeur maître Margueritte.
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Après des questions fusant de toutes parts, destinées évidemment à me pousser dans mes derniers retranchements, c’est au tour de maître Delarue d’intervenir. Il me laisse souffler un peu et met en
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